Les Bonnets Rouges

Le mouvement des Bonnets Rouges est un mouvement de protestation apparu en Bretagne en octobre 2013, en réaction la taxe poids lourds et aux nombreux plans sociaux de l'agroalimentaire. Ce mouvement fait référence  à une précédente révolte bretonne contre  les impôts ( révolte du papier timbré 1675) où les insurgés se coiffaient d’un bonnet rouge. Après deux grandes manifestations de masse à Quimper et à Carhaix-Plouguer en novembre 2013, il se prolonge sous la forme d'un collectif et de comités locaux.

C'est à « la Chope », à Coadry, à mi-chemin entre Scaër et Coray, que fut créé jeudi 16 janvier 2014 un comité local adhérent à la Charte « Bonnets Rouges ». Il regroupait une vingtaine d'adhérents : entrepreneurs, agriculteurs, artisans, salariés, retraités... demeurant à Scaër, Coray, Tourc'h, Elliant, Leuhan. Le comité invita les habitants de Roudouallec et Guiscriff à les rejoindre. Leur volonté était « de vivre, décider et travailler en Bretagne ». Leurs objectifs : « Le maintien de l'emploi et du travail productif en Bretagne ; l'aménagement et l'équilibre du territoire breton, en intelligence avec les populations concernées ».

La première réunion du 16 janvier 2014


Le 30 janvier, les Bonnets Rouges exprimèrent leurs doléances. Pierre-Yves Bourriquen( 2e à droite) fut chargé de les transmettre  au comité régional
 
 
 

Ce comité regroupait des adhérents de Scaër et des alentours


Plus de pouvoirs aux régions


Jeudi 30 janvier, une cinquantaine de personnes (agriculteurs, salariés, artisans, commerçants, retraités...de Scaër-Coray-Guiscriff-Roudouallec prirent part à la seconde réunion du comité local des Bonnets rouges à Coadry pour exprimer leurs doléances.
S’opposant aux administrations nationales, européennes « qui imposent leurs règles sans tenir compte des particularités de notre région », tous les adhérents qui ont signé la charte pouvaient émettre des revendications qui furent transmises au comité régional.
Parmi les revendications il y avait bien entendu « le maintien de la gratuité de nos routes et la suppression de l'écotaxe : cette taxe maudite détruit l'emploi, déséquilibre nos territoires et crée une distorsion de concurrence au détriment de la Bretagne. Il faut en finir avec les distorsions de concurrence et de dumping social. Ces inégalités détruisent nos emplois et altèrent nos relations avec les autres peuples ». Les bonnets rouges demandaient la relocalisation des décisions : « Que l'on donne plus de pouvoirs aux régions ».
 

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La révolte du papier timbré

 
En janvier 2014, un comité « Bonnets rouges » Scaër-Coray fut créé demandant » le maintien de la gratuité de nos routes et la suppression de l'écotaxe. » L’appellation « Bonnets rouges «  faisait référence à une révolte paysanne sous le règne de Louis XIV. Il y eut aussi des Scaërois en première ligne.

En 1674, Louis XIV, est obligé de prélever de nouveaux impôts pour financer la guerre de Hollande. La hausse des taxes dont celles portant sur le prix du papier timbré (*)conduisit à une révolte antifiscale en 1675.


A Spézet, portrait de Sébastien Le Balp, leader de la révolte ( création de P. Le Goarnic)



Un exemple de papier timbré ( Archives du Finistère)

" Ré zo ré" : trop c'est trop

Le   Dictionnaire historique et géographique d’Ogée (1778-1780) relate ces faits : «  En
1675, il y eut dans les environs de Carhaix, comme dans plusieurs autres cantons de la province, des révoltes considérables à l'occasion des nouveaux droits, du papier timbré, du contrôle. On en a des relations bien circonstanciées, qui prouvent quelle fut la fureur des révoltés. Le château de Kergoat fut brûlé, dans le même temps, par les vassaux de M. Trevigni, Seigneur propriétaire de cette belle Terre. Les incendiaires se plaignaient d'une augmentation très-considérable sur leurs redevances, et de l'injustice vraie ou imaginaire de leur Seigneur.
»


En 1884, l’historien  Arthur de la Borderie publia « La révolte du papier timbré » :
"Tout à coup, de Scaër au Huelgoet, vingt paroisses se levèrent ensemble comme un seul homme et formèrent une véritable armée, qui pour son premier exploit s’en fut assiéger le château du Kergoët, en Saint Hernin, un peu au sud de Carhaix. M. Le Moyne de Trévigny, seigneur du Kergoa, passait aux yeux de mutins pour être trop grand ami des gens qui avaient amené en Bretagne les impôts du timbre et du tabac et se préparaient encore, croyait-on, à y introduire la gabelle. Quant au château, c'était une somptueuse demeure, construite avec soin, meublée avec luxe, et pourvue, en outre, de murailles et de défenses très suffisantes, semblait-il, pour résister avec avantage aux efforts d'une attaque irrégulière. Pourtant, les paysans l'emportèrent, le livrèrent au feu et au pillage et s'ils ne le ruinèrent de fond en comble, ce ne fut certes pas leur faute. Les vingt paroisses associées dans cette expédition étaient Scaër, Guiscriff, Leuhan, Gourin et Le Saint, Motref, Tréogan, Plévin, Saint-Hernin, Spézet, Landeleau, Cléden-Poher, Kergloff, Plouguer-Carhaix, Plounévezel, Plounevez-du-Faou, Lannédern, Loqueffret, Plouyé, Poullaouen et Le Huelgoët".

L'emplacement du château de Kergoet près de Port de Carhaix


Les zones révoltées seront aussi celles qui seront les plus favorables à la Révolution de 1789 (source: Histoire de La Bretagne après 1491). Scaër est dans la zone rouge entre Carhaix et Quimperlé

 Guiscriff plus taxée que Scaër

Après la fin de la révolte, le seigneur du Kergoët ayant élevé des réclamations contre ces vingt paroisses, afin d'être indemnisé par elles des pertes qu'il avait subies dans l'incendie et le pillage de son château, une transaction intervint, aux termes de laquelle les vingt paroisses s'obligèrent à payer à M. de Trévigny la somme de 64.800 livres, qui furent réduites à 49.800, attendu qu'on rapporta audit château une partie du mobilier pillé jusqu'à la valeur de 15.000 livres. Cette transaction fut définitivement arrêtée le 23 juin 1678, entre M. Henri Barin, curateur du sieur de Trévigny, et Mgr. François de Coëtlogon, évêque de Quimper, mandataire des vingt paroisses susdites. L'année suivante, cette transaction fut approuvée par le Conseil d'Etat (20 juillet 1679), par les États de la province (30 octobre 1679) et rendue exécutoire par une ordonnance du duc de Chaulnes du 17 octobre 1679. Voici, d'après cette transaction, la part afférente à chaque paroisse dans le paiement de cette indemnité de 49.800 livres : Gourin et ses trèves 5.500 livres, Guiscriff 3.000 livres, Scaër 2.000 livres, Leuhan 800 livres, Tréogan 400 livres, Motreff 1.450 livres, Plévin 1.450 livres, Cléden-Poher 1.400 livres, Kergloff 1.800 livres, Landeleau 2.000, Lannédern 600 livres, Loqueffret 1.400 livres, Huelgoat 800 livres, Plouyé 2.500 livres, Carhaix-Plouguer 1.500 livres, Poullaouen 3.600 livres, Saint-Hernin 4.000 livres, Spézet 5.000 livres, Plounévézel 1.600 livres, Plounévez-du-Faou 9. 000 livres. ( Sources : Archives du Finistère)

(*) Sous l'Ancien Régime, le papier timbré est un papier tamponné d'un sceau soumis à paiement qui était ensuite utilisé pour enregistrer des actes authentiques comme un acte établi par un notaire ou encore les registres paroissiaux regroupant les actes comprenant les baptêmes, mariages et sépultures.

 

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Aérodrome . Du lisier pour dissuader les teufeurs



 Le premier week-end du mois de juillet 2004 une rave party surnommée à l’époque « Techniskaer » s’est déroulé à Crénorien.  Les commerçants scaërois avaient certes gonflé leur chiffre d’affaires (alimentation, tabac, carburant…) mais ce rassemblement avait eu des incidences sur la circulation, sur l'état du champ après la fête. A lire ICI . A la recherche d’un terrain pour un nouveau rassemblement de musique techno en 2007, les autorités lorgnaient sur l’aérodrome de Guiscriff- Scaër.
Ce «  technival » n’aura pas lieu suite à la mobilisation  des élus du Syndicat intercommunal gérant l’aérodrome ( SIVU), des riverains et des agriculteurs des deux communes. A l’appel du SIVU, une douzaine de tonnes à lisier ont arrosé abondamment la piste et ses abords afin de  rendre impraticable le  site pressenti pour le Technival.

Fleur de lisier


Le 25 juin 2007, entrant par la grille située côté route de Scaër-Gourin, une noria d’imposantes tonnes à lisier provenant des exploitations agricoles de la région de Gourin-Scaër-Le Faouët, déversèrent approximativement 200 M3  de lisier  sur les jachères déjà détrempées entourant la piste. Ce lisier imprégna le sol constellé de déchets de paille. Mais c’est surtout par l’odeur que ce lisier jouait son rôle répulsif. Quant à parler de pollution, les doses répandues étaient insuffisantes sur cette prairie qui n’avait pas eu d’engrais depuis des décennies pour avoir une incidence sur le taux de nitrates.
Les élus des communes du SIVU(Gourin, Scaër, Guiscriff, Le Saint, Berné et Saint Thurien) avaient ceint leur écharpe tricolore, solennisant ainsi leur  protestation contre la  menace de réquisition. Le président du syndicat, Jean Boëdec, commentait ainsi cette action surprise visant les décideurs : « On les traite comme on a été traité. On a voulu nous prendre en surprise. On passe à l’action, ce n’est qu’un début ». Les renseignements généraux, des représentants de l’administration, la gendarmerie observaient les opérations ». 


Les tonnes à lisier vont entrer en action


La mobilisation des élus, des riverains et des agriculteurs a porté ses fruits

 

Des problèmes de sécurité


Les commentaires des personnes présentes mettaient en avant des problèmes de sécurité. « Les terrains argileux entourant la piste (28 ha entourés de grillage) sont actuellement détrempés :  il va de soi qu’il serait risqué de les transformer en parking… Qui peut garantir que la clôture de l’usine des Volailles de Keranna , à 100 mètres de la piste immédiate du site, ne sera pas franchi ? Avec les risques pour cet outil de travail mais aussi pour les teufeurs eux-mêmes avec les bassins de décantation. De plus dimanche, c’est le Pardon de Guiscriff ! C’est vrai que cela ne pèse pas lourd pour les autorités préfectorales, mais on est chez nous quand même, foi de chouan !»
Le syndicat intercommunal  adressa un courrier au Préfet attirant l'attention sur les risques d'accident sur un tel site, sur le préjudice que subiront l'usine des Volailles de Keranna , les utilisateurs et le site lui-même. Ils sont surpris de la réquisition " qui fait fi de toutes considérations pour les élus, les collectivités territoriales".
La traditionnelle rave party de l'été breton se tint finalement sur l'aéroport de Saint-Brieuc, à partir de vendredi 29 juin 2007 après des semaines de recherche d'un site, dans la plus grande confusion, en raison de l'hostilité des agriculteurs et des élus locaux. 

Avec le recul du temps, on peut entrevoir dans ce mécontentement populaire contre l'administration les prémices  de la révolte des Bonnets Rouges.

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Des opposants aux projets éoliens industriels




Le parc éolien de Miné-Kervir   prévoyait au départ trois aérogénérateurs. Les premières études avaient été faites en 2003 pour un projet de 3 éoliennes , il fut modifié pour devenir un parc de cinq éoliennes  de 7, 5 MW de puissance totale. En 2007, Un nouveau projet prévoyait une puissance de 10 Mw qui a été portée à 11, 5 Mégawatts en 2009, soit 5 machines de 2,3 MW dont une à moins de 300 mètres des habitations. Les riverains se plaignirent rapidement de nuisances sonores. 

Le mécontentement a vu le jour suite aux problèmes acoustiques rencontrés à Miné-Kervir

Vent de délires a interpellé à maintes reprises les élus pour leur transmettre leurs craintes et doléances

Vent de Délires


Une association locale « Vent de délires » vit le jour pour défendre les intérêts des personnes vivant à proximité d’éoliennes. Ses objectifs : protéger les sites, les paysages et l’environnement ; défendre, préserver et améliorer la qualité de vie en zone rurale ; veillez à ce que les investissements et les projets soient conformes aux intérêts des habitants ; défendre l’intérêt général de la population des zones agricoles, naturelles et urbaines mêlées sur toute la zone de prévision de construction des parcs éoliens des communes de Scaër et des communes voisines..
 Vent de délires épaula les riverains dans leur lutte pour préserver leur qualité de vie, la richesse de l’environnement, la valeur de leur patrimoine, leur santé et leur bien-être.
Son action débuta par le problème des infrasons induits par les éoliennes de Miné-Kervir : « Les gens qui les ressentent les décrivent plutôt comme des vibrations que comme des sons et ces vibrations se propagent dans l'air (vibrations acoustiques) et dans le sol (vibrations sismiques). Leurs effets: une sensation générale de malaise, nausées, vertiges à la constatation du phénomène de résonance à l'intérieur d'une maison, stress, troubles du sommeil..». Suite à des mesures de bruit et de multiples interventions des élus, des mesures furent prises pour limiter le bruit, notamment un  bridage  et un arrêt nocturne en cas de vent important.
Elle mena de multiples actions à partir de 2013 pour s’opposer à la construction d’autres parcs éoliens à Merdy et Crénorien.

Le chantier de Tréouzal-Merdy débuta en septembre 2016. Par leur détermination , les opposants ont conduit les promoteurs à être plus vigilants sur les questions environnementales


Des pancartes à Miné-Tréouzal rappelant les craintes des opposants


Elle s’éleva aussi contre le lobby politico-économique de l’éolien, : «L’association Vent de délires a d'abord pour objectif d'alerter de la mauvaise gestion de l'argent public donc de la mauvaise utilisation de l'argent du contribuable qui aboutit à diminuer notre pouvoir d'achat…Sans subventionnement de l'état (donc du contribuable), aucune éolienne ne pourrait voir le jour ... L'association  Vent de délires  refuse de cautionner ce type d'investissement tant que le stockage de cette énergie éolienne ne sera pas résolu pour pallier les 75% du temps annuel sans production ».
 L’association développa ses arguments lors des enquêtes publiques, rédigea des pétitions, occupa le terrain médiatique,  chercha à  persuader les élus de la justesse de ses arguments...Début août 2013 l’association et un groupe de 68 riverains adressèrent conjointement au Préfet un recours gracieux contre l’autorisation d’exploiter le parc éolien de Crénorien créé par Engie pour les motifs suivants : vices de procédure, insuffisance du contenu de l’étude d’impact, irrégularités des avis émis antérieurement à la demande du permis de construire. Mais en septembre la préfecture émit un avis favorable au parc de Crénorien et  les parcs éoliens de Merdy-Crénorien verront le jour en 2016/2017.

Trop c’est trop .

En 2016, la société Quénéa envisagea de construire 3 nouvelles éoliennes à Kerdiouzet. Les riverains dont le cadre de vie étaient déjà impacté par les  nuisances d’une ligne électrique Très Haute Tension se montrèrent réticents. Vent de Délires s’éleva aussi contre cette nouvelle source de nuisances.
 La « saturation visuelle » constaté dans le nord de la commune  ( 21 aérogénérateurs)  associé à ces réticences conduisirent les élus à refuser le projet. 

Une satisfaction pour Vent de délires qui n'aura pas réussi à faire annuler le projet de Merdy-Crénorien mais qui aura été le "poil à gratter" des élus et des promoteurs, les incitant par ses interventions à prendre en compte les " remontrances de certains riverains" selon l'expression du maire lors de l'inauguration de ce parc en juillet 2017. Engie Green s'engagea également à être attentifs aux" questions acoustiques et environnementales" .

Additif novembre 2021: La société Gaïa Energy Systems envisage  de créer un nouveau parc éolien à Kervir. Une nouvelle association d'opposants a été créé, dénonçant une concentration d'aérogénérateurs dans le nord de la commune si ce projet se concrétisait. Elle a repris comme nom le slogan des bonnets rouges de 2013:" Re zo Re", c'est à dire " trop c'est trop".

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