Jean Auguste Guillaume Tréflez est né à Livinot, village bannalécois limitrophe de Scaër dans le quartier de Saint Jacques, le 20 juillet 1891.
A l’issue de son service militaire, cet agriculteur s’est engagé dans l’armée en 1913 et combattra durant la Grande guerre. Il sera intoxiqué par les gaz en 1916, ce qui lui vaudra ultérieurement une pension d’invalidité pour des problèmes respiratoires. Mais cela ne l’empêcha pas de poursuivre une carrière militaire : école militaire de Fontainebleau en 1917, sous-lieutenant dans l’artillerie en 1917 lieutenant en 1919, capitaine en 1930. Il fut affecté dans l’armée d’Orient " au Levant" en 1919, en Algérie en 1921, au Maroc en 1925. Il rejoint l’état-major de la place de Paris en 1935 peut-être en raison de ses problèmes de santé.
Militaire dans l’armée de Vichy, il aurait été secrétaire (*) au procès de Riom en 1942 chargé de juger Blum, Daladier, Gamelin pour avoir "trahi les devoirs de leur charge". Une participation qui lui vaudra deux ans plus tard quelques déboires.
Le Capitaine Jean Tréflez, à gauche, est revenu après guerre voir la fosse qu'il avait dû creuser . A ses côtés : Louis Monfort, de Tréouzal ancien maire de 1941 à 1944 l'occupation, et peut-être ??? Jean Presse employé de la ferme Monfort |
Première rencontre avec les FFI
Voici le témoignage de Christophe Bouguennec, membre du groupe FFI Bob qui venait d'établir ses quartiers au maquis de La Roche près de Saint-Jacques : « Pas de ravitaillement il fallait sortir du bois de nouveau pour le manger. Là aussi à Saint-Jacques il y avait de la bonne volonté pour nous ravitailler pain conserve et boissons. Loulou prit le service sur la route vers chez le boulanger. Il y avait du monde qui venait prendre leur pain. Quelques hommes aussi il y avait un de taille le capitaine Tréflez surpris par l'allure de Loulou, il fut pris de panique avec son vieux vélo de dame s’engouffra dans un petit chemin étroit mais Loulou le somma de s'arrêter et pour ce faire tira quelques coups de feu. On le ramena à Bob et là nous savons que c'était le fameux capitaine recherché par les résistants. On l'amena au café d'abord et la discussion se faisait sur plusieurs sujets en particulier sur les bruits qui couraient sur son dos à propos des massacres de résistants (...) Enfin il y avait aussi le sujet qu'il participa sous le régime de Vichy au tribunal militaire en tant qu'officier à la condamnation à mort du général de Gaulle pour désertion. Tout cela passa plutôt bien et il ne se doutait pas sans doute que Bob allait l'envoyer au camp.
Je m'y opposai et à 400 m du maquis, Jean et puis moi le gardâme ils sous surveillance. Jean était fatigué et se reposa pendant un moment. Le capitaine me posa beaucoup de questions surtout sur sa détention et en cas de condamnation extrême m'invita à passer chez lui prendre ses décorations et la Légion d'Honneur gagné au champ de bataille s'il fallait mourir il allait mourir avec. Je lui ai promis point mais je le disais de ne pas perdre tout espoir et que ce n'était pas pour moi un cas grave qui méritait des éclaircissements que ce n'était pas moi qui déciderai et à sa place je le disais de prendre du service avec nous car il nous manquait des officiers.
Prétextant qu'il voulait " faire ses besoins" derrière un talus, le capitaine Tréflez essaya alors de s'enfuir: "Je l’appelai sèchement de s'arrêter et où je tirerai sans pitié. Il stoppa net et le fis revenir par-dessus le talus" (...) À ce moment Jean se réveilla en sursaut et vit le spectacle mais s‘énerva sachant qu'il avait voulu fuir, lui disant que si c'était lui il ne bougerait plus. Je fis signe à Jean d'attendre un peu ce n'est pas nous qui décidions de son sort . Le grand Bob et Henri Le Dez arrivèrent et je leur fis part de l'imprudence du capitaine et du spectacle. Ils le questionnèrent, lui firent des propositions de venir avec nous mais il refusa et fut laissé libre retournant à Saint-Jacques. Il fut appréhendé de nouveau par les FTP mais je n'ai pas vu ce qui se passa avec ce groupe ».
Son compagnon Jean Vigouroux corrobore ces faits: « Un jour, accompagné de Louis Tanguy de Kéramer (ancien marin ) nous nous sommes rendus au café Toupin à St Jacques. C'est là, que nous avons rencontré le Capitaine Tréflez qui était signalé à la Résistance comme collaborateur notoire ayant fait partie du tribunal militaire, ayant condamné le Général De Gaulle et vantant toujours la discipline allemande.
Nous l'avons prié gentiment de bien vouloir nous suivre jusqu'à quelques centaines de mètres de notre maquis et nous avons appelé le Capitaine Bob pour l'interrogatoire. Le Capitaine Tréflez demeurant à proximité m'a donné les clefs de sa maison en me suppliant d'aller jeter un coup d'œil sur ses papiers militaires. J'ai vite réalisé que nous avions affaire à un grand officier de l'armée française en découvrant ses citations et ses médailles. C'est avec beaucoup de précautions que j'ai refermé le tiroir du buffet. Immédiatement, je suis retourné voir Bob qui l’a tout de suite relâché.
Je signale que malgré toutes les menaces de mort qui lui ont été faites, Monsieur Tréflez ne s'est jamais départi de son sang-froid d'officier. Ce n'était pas son jour de chance car en rentrant chez lui à St Jacques, il s'est fait arrêter par les F. T. P. de Scaër et son arrestation a failli tourner au tragique.
Ils l'ont conduit dans le bois de Keruscun , près de Pont_Commana. Condamné à mort pour trahison, il a dû lui-même creuser sa tombe. Je sais de source sûre que c'est l'intervention du lieutenant Henri Le Dez qui lui a sauvé la vie de justesse » .
Originaire de Livinot,Jean Tréflez demeurait dans le quartier de Saint Jacques en Bannalec. Cercle rouge : maquis de La Roche |
Son arrestation à Livinot par les FTP
Voici le récit du résistant FTP Marcel Piriou extrait de son livre « Quai des humbles » daté de la fin juillet 1944 .
« Nous fûmes charges d'aller arrêter un commandant de l'armée française qui résidait à Saint-Jacques, petite localité entre Scaër et Bannalec, distante de 15 kilomètres. Nous devions parcourir à bicyclette les routes où circulaient souvent des patrouilles allemandes. Nous risquions donc des rencontres dangereuses …Nous devions arrêter, chez lui, le commandant Fletres (Tréflez en réalité) et le ramener au maquis. Il avait été magistrat à la cour de Riom où il eut à juger des hommes politiques français, parmi lesquels Léon Blum. Nous étions tous les trois armés d'un colt et d'une grenade (François Kersulec et Tatave). A quelque cent mètres de Saint-Jacques,( Livinot sans doute) nous voyons François Kersulec foncer avec son vélo sur un autre cycliste et le mettre à terre. Le fameux commandant revenait de faire ses courses au village. Le vélo à la main, nous suivons notre prisonnier jusqu'à son domicile, distant d'un petit kilomètre. Après une fouille rapide de François Kersulec nous repartons. Je prends la tête du cortège, le coït à la main reposant sur le guidon. Le commandant me suit, avec François et Tatave. Nous nous arrêtons deux kilomètres plus loin et nous planquons en retrait d'une centaine de mètres de la route. François retourne au domicile du commandant, pour parfaire sa perquisition. Tatave et moi, toujours les colts sortis, nous gardons le suspect. Il n'en mène pas large. Nous bavardons, Tatave est parfois menaçant. Je le calme, ce n'est pas le moment de faire des bêtises. François a pris son temps. Dès son retour, nous avons repris la route et traversé l'usine Bolloré de Cascadec. Ce cortège insolite n'est pas passé inaperçu, d'autant que j'y avais travaillé plusieurs mois. Passé Pont-Lédan, il nous fallait prendre la route de Gourin sur six kilomètres. Qu'elle fut longue cette route ! Nous avons enfin pu livrer notre marchandise. Pour nous, la mission était terminée, les chefs du maquis prenaient en charge le prisonnier ».
Émile Guéguen raconte la suite « Le 2 août, à la nuit tombée, cinq camions allemands, vides, se sont dirigés vers Gourin. Le 3 au matin, ils revenaient chargés. Les FTP les attendaient à Pont Lédan et les ont attaqués. D'autres résistants arrivèrent en renfort par le canal de Meil-Pont commandés par le capitaine Calvary, avec comme" prisonnier" le capitaine Tréflez. Les Allemands installés au château, avertis par le bruit, ont pris ces renforts à revers obligeant les résistants à disparaitre dans la nature.
Étrange : c'est le capitaine Tréflez qui dirigeait ce repli, mettant à profit son expérience de militaire de carrière.
Condamné à mort, il dut creuser sa tombe
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Par la suite, il fut conduit à Kerloa pour être interrogé vigoureusement ( un témoin évoque l’utilisation d’une forge mobile). Il fut condamné à mort et mis en demeure de creuser sa tombe de l’autre côté de Pont-Commana sur la commune de Leuhan. Il dut son salut d’avoir géré le repli des maquisards après l’échauffourée de Pont Lédan grâce à son expérience militaire. Marcel Piriou « C'est évident, il avait fait partie d'un tribunal pétainiste. Nos chefs le condamnent à devenir le conseiller militaire de notre compagnie ». D'après Émile Guéguen, il n'était pas magistrat mais secrétaire de cette cour de Justice.
Jean Tréflez passa alors de l’armée de Vichy à la Résistance . Ses compétences seront à nouveau appréciées le 5 août lorsque la Résistance attaquera un convoi allemand se repliant à Creis-0bet, en Bannalec et Quimperlé.
Marcel Piriou : « Cette opération a été réussie. Sa direction avait été confiée au Capitaine Tréflez à l'arrestation de qui j'avais participé à Saint-Jacques. Militaire de carrière, il avait une expérience largement supérieure aux maquisards. Il avait donné la consigne de laisser avancer la colonne allemande jusqu’au carrefour…. Les chefs du maquis étaient renseignés sur la composition du convoi : une automitrailleuse, deux camions et leurs remorques, puis la troupe. Après avoir laissé l'automitrailleuse traverser le carrefour, le commandant donne l'ordre de faire feu sur le premier camion. Une rafale de fusil-mitrailleur suffit. Le véhicule prend feu et explose. Le second tout près s'enflamme également. L'objectif a été atteint. La colonne allemande est stoppée, retardée dans sa progression. Le lendemain, elle réussira à atteindre Quimperlé, semant la panique dans la population, avant d'atteindre Lorient ».
Que devint-il ensuite ? Aucun document ne le précise. Il poursuivit sans doute sa carrière militaire. Une photo le montre, après la guerre, près de la fosse qui a failli être sa tombe.
Son registre militaire précise qu’Il est promu commandant en 1949. Peut-être lors de son départ en retraite car la même écriture au crayon gris indique son adresse à Rosporden, commune où il s’était marié en 1947. Il décèdera à Melgven en 1964
Jean Tréflez est homologué FFI dossier GR 16 P 577172 au service historique de la défense à Vincennes
(*) : Témoignage d'Emile Guéguen fut commandant- du bataillon " Louis D'or" puis capitaine adjoint- au commandant du 3è régiment de marche du Finistère et responsable départemental du "Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France".