Les routiers des années 50-80

Les Scaërois de longue date se souviennent peut-être d’avoir été dansé salle Guernic avant qu’elle ne soit démolie. Ils ont alors en mémoire la fresque monumentale apposé contre le mur de la tribune. Elle représentait deux camions scaërois des années 50, roulant de front, en hiver sur un sol enneigé. Au bout de la route la Tour Eiffel symbolique leur destination habituelle. Presqu’en filigrane, au premier plan, une jeune femme tenant dans ses bras un enfant, représente leur aspiration :  retrouver au retour les joies du foyer. Cette fresque a été ensevelie lors de la démolition de la salle Guernic, site de la future médiathèque.
 
Ce panneau, œuvre de Jos Lijeour, un instituteur scaërois, servait à illustrer le bal qu’organisait le comité des chauffeurs routiers locaux vers 1955, avec François-Louis Boédec, Jean Daéron… Au moins 150 personnes travaillaient à l’époque dans les entreprises de Transports Hamon, Flatrès, Ollivier, Toulgoat, Le Dérout, Burel, Richard, Monfort, Jaouen, L’Haridon… Les Transports Hamon employaient 200 personnes au total entre  les dépôts de Scaër, Lille et la région  parisienne ; les transports Flatrès, une vingtaine de chauffeurs.
 
La salle de danse Guernic en 2012. Au fond, la fresque des routiers(photo Gilbert Le Mao)






Un camion des Transports Hamon ( caserne des pompiers, rue Queignec )


Un camion des transports Monfort , Pont-Lédan


Au même titre que les sabotiers, tailleurs de pierre, carriers…  cette profession fait partie du patrimoine local. Lucien, l’un de ces chauffeurs témoigne :  «  On a commencé avec deux camions pour finir avec 16 véhicules. Au début, c’était des Somua, des Bernard puis  sont venus les Berliet, Mercedes, Volvo. Par équipe de deux, on partait le lundi vers Paris pour revenir le mercredi. Nouveau départ le jeudi pour revenir le samedi. On mettait 12 heures pour y aller. Nous transportions les périssables :  du porc, des œufs, du beurre, des gâteaux. On ramenait du ciment et du plâtre au début. A la fin, c’était surtout la messagerie. »

ROUTIERS DE SCAER

Le journal paroissial " Kannadig Scaër" (  Le petit messager de Scaër) de mars 1967 consacrait un article aux transporteurs routiers de la commune "Nous rencontrons souvent ces gros camions dans la Grand-Rue de Scaër. Les automobilistes grincheux les trouvent encombrants, les enfants, pleins d'admiration pour ces hommes juchés dans leur cabine, rêvent de 20 tonnes et plus.
Qui sont-ils donc ces routiers qui manient leurs engins avec force et délicatesse ? Essentiellement des adultes. Des gens qui, sur un véhicule valant de 15 à 20 millions, partent avec toute une cargaison pour deux ou trois jours. La vie attachée, sédentaire, leur paraît étouffante. Il leur faut de l'espace, d'autres horizons, c'est pourquoi, avec la confiance de leur patron, maîtres à bord, ils ont pris la route.
Plusieurs de ces routiers avaient déjà tâté un autre métier : mécanicien, cultivateur, scieur de long... Être facteur ou cantonnier ne leur souriait pas. Manœuvre, encore moins. Alors, ils ont choisi la route : l'horaire du travail ne leur fait pas peur et ils préfèrent suer que de suinter d'ennui. Et puis, la route paie convenablement.
Où vont-ils ? Plusieurs font du transport à la demande. Ils vont, sans parcours réglés, là où le fret les appelle. D'autres ont un itinéraire précis: Scaër-Nantes, Scaër-Paris, Scaër-Lille (770 km.).
Que transportent-ils ? Surtout des produits frais de Bretagne : salaisons, volailles, œufs, beurre, biscuits. Et même du pain blanc de chez nous pour les Bretons de Paris, des crêpes, du cidre et du chouchen. Bien sûr le porc et la volaille sont les gros morceaux, surtout depuis la crise de la conserve.
Un camion des Transports Flatrès  (Collection Gilbert Le Mao)


Et voilà le camion parti ! Son moteur de 200 CV lui permet de faire Scaër-Paris en moins de huit heures. Tant pis si des colonnes de touristes, petits chauffeurs en général, encombrent la route : tant pis s'il y a neige ou verglas : seuls les camions tombés en panne ou couchés dans le fossé sont excusés d'arriver en retard. « La nuit est leur royaume » a-t-on dit des routiers. En effet, un camion frigorifique partant de Scaër à 17 h. 30 n'éteint ses feux qu'à Paris, vers 8 h. 30, le service terminé. La nuit, calme, sereine, traîtresse aussi pour celui qui roule, car qui dit nuit dit sommeil…
Et le samedi, en rentrant au garage --à Scaër pratiquement tous les routiers sont chez eux le dimanche --le conducteur, content de lui, a pas mal de choses à raconter. Bien sûr il ne décrira pas l'Exposition Picasso à Paris ; mais il parlera de ceux de là-bas et aussi de tel relai routier où le service est agréable.
Scaër compte 16 entreprises de transport faisant rouler de 1 à 30 camions. Ces entreprises font travailler de 1 à 40 employés. Notre commune compte 70 chauffeurs de transport public salariés.
La section des Routiers de Scaër — animée par F.-L. Boëdec — est particulièrement vivante. Une amitié sincère y règne. Elle s'est créé un service d'entraide. C'est ainsi que tout routier de la section, en cas de blessure ou de maladie, reçoit 3 F par jour pendant 2 mois, et dans la suite 1,50 F durant un an. La section organise une fête familiale à l'occasion de Noël, avec distribution de jouets. Pour subvenir à ces dépenses, les Routiers de Scaër - - qui ne perçoivent pas de cotisation ni ne reçoivent aucune subvention - organisent un bal en février et un match corporatif en fin de saison de football.
Bref, chez les Routiers, ça roule !"

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