Un double mariage en 1908


 Au début du XXe siècle, Joseph Villard parcourt la Cornouaille pour fixer sur pellicule les animations locales .à Scaër, on lui doit une série de cartes postales consacrées aux luttes bretonnes et un « reportage» photographique  relatant  le double mariage, célébré le  mercredi 4 novembre 1908, de René-Christophe Le Dez (1881-1964, boulanger), avec Marie-Anne Porodo (1886-1916), et de François-Louis Le Reste (1881-1928), menuisier d'art, avec Marie-Françoise Le Dez (1885-1961), sœur de René-Christophe. 

Les mariages avaient lieu à cette époque généralement le mardi ou le mercredi car les préparatifs se faisaient le lundi. Il n'était pas rare que plusieurs enfants d'une famille se marient le même jour pour des raisons pratiques également.    

La photo de famille au Grandchamp

De gauche à droite au premier rang
En rouge : les deux nouveaux couples
1-2:inconnus 
3: Youenn Rannou, ouvrier de l'atelier Le Reste
4: René-Christophe Le Dez1881-1964, boulanger, fils de Louis Marie et de Louise Kerdanet,  
5:Marie-Anne Porodo  1896-1916 fille de François et Marie-Anne Kerhervé
6: François Louis Le Reste 1881-1928, menuisier d'art, fils de Jean-Joseph et Marie-Louise Jaffré
7: Marie-Françoise Le Dez 1885-1961 sœur de René Christophe
8:Jean Louis Le Reste  1883-1915, menuisier d'art,  frère de François Louis 
9-10-11:inconnus
12: Mme Jamet née Le Dez,
13: Jeanne Le Dez sœur de René Christophe 
14 : inconnue

De gauche à droite, second rang :
14: Jean  Derrien 1881-1943, menuisier d'art, sacristain (?)
15 : Marie-Anne Le Reste, épouse de Camille Boucher 
16: Corentin Le Reste 1886-1920, menuisier d'art, frère de François Louis, fiancé de 
17: Françoise Postic 1888-1980, fille de Henri et Marie Jeannette Guyader
18-19:FélicieLe Reste 1888-1974, Marguerite Le Reste   1892-1911, sœurs de François Louis.

*****


En  marche vers la mairie


Photo prise rue J Jaurès au niveau de l’office notarial. Les futurs époux sont aux bras de leurs parents :ce sont les pères qui mènent leurs filles de la mairie à l'église, les mères leurs fils, et s'ils ou elles sont décédé(e)s, c'est un oncle, un frère ou un autre parent qui les remplacent Nous avons en premier un homme de la famille qui donne le bras à Marie Françoise Le Dez (son père est en effet décédé en 1899), puis François Porodo avec sa fille Marie-Anne, François Louis Le Reste avec sa mère, Marie-Louise Jaffré, après ce doit être René Christophe Le Dez, avec une femme de sa famille (sa mère, Louise Kerdanet, étant décédée en 1894). Sur le côté droit, en serre-file, on aperçoit Marie-Anne Le Dez avec son mari : ils devaient avoir été retardés et ils vont reprendre leur place dans le cortège.  A droite, les curieux regroupés derrière le caniveau admirent les costumes  de noce.

 Le cortège remontent la rue Jean Jaurès peu avant le carrefour des rues Zola-Pézennec pour aller à la mairie. La légende de la carte postale ne correspond pas à la réalité car les futures épousées toujours au bras de parents.

  Le cortège de mariage sortant de la mairie. La tradition est respectée: le seul vrai mariage est à l’église. C'est pourquoi les nouveaux mariés " civilement" donnent toujours le bras à leurs parents.

*****

Puis vers l'église

Photo prise rue Jean Jaurès un peu plus haut que l’église. Revenant de la mairie, le cortège est arrêté par des personnes nécessiteuses. L’aumône aux pauvres est une autre tradition à respecter :malheur à ceux qui refusent ! À noter que les épousées ont un long ruban, décoré de de fleurs semble-t-il, sur le côté gauche de leur tablier, les autres n'ont qu'un ruban blanc.

*****

La tournée des cabarets avant le restaurant

 Photo prise après la cérémonie religieuse. Les nouveaux mariés sont en tête du cortège  désordonné  qui remonte la rue Jean Jaurès précédés de deux sonneurs, biniou koz et bombarde. A droite, les jeunes gens célibataires sentent qu'on va faire la tournée des  tavernes de la rue avant le banquet. Pour ne pas vexer aucun des cabaretiers, la noce doit s'arrêter devant  la porte de chacun d'eux, y danser au milieu de la rue puis entrer pour se rafraichir.

Photo prise rue Jean Jaurès, un peu plus haut que la carrefour Rues Zola-Pézennec. Après avoir fait honneur aux " débits de boisson" plus haut, le cortège redescend la " Rue nationale"  pour rejoindre le restaurant. A droite, les deux nouveaux couples. On notera que des hommes sont habillés « Mod-kêr », (tenue de ville), tandis que les femmes demeurent fidèles au costume breton. Le cortège de la noce se fraie un chemin entre deux haies de spectateurs. A gauche, enfants et adolescents qui portent quotidiennement une chasuble-blouse. Au milieu de la chaussée, un mystérieux groupe de quelque femme en coiffe revêtue d'une robe noire: Qui sont-elles ? Vous remarquerez également une  voiture ou camionnette à droite.

Une gavotte en l'honneur des nouveaux mariés 

Photos prises au niveau de l’office notarial où il y avait à l’époque quatre tavernes. Avant de se mettre à table on danse ( et on boit) encore. Les sonneurs ont pris place sur des barriques devant l’auberge Favennec (place Camille Boucher aujourd’hui), les mariés ont ouvert le bal, les jeunes célibataires filles et garçons en profitent pour lier ou parfaire connaissance sous la surveillance des mères. Le fait pour un jeune homme de danser plusieurs fois avec la même cavalière est une  proclamation publique de promesse de mariage. Les pères fument en partageant les nouvelles sur le temps qu'il fait, leurs activités…

On s'amuse à Scaër-la-Joyeuse : une gavotte de l'Aven en quadrille


suivi d'un jabadao

 Le repas de noces était servi dans une des auberges du bourg. Sur cette carte postale, il s’agit de l’auberge Rodallec, qui deviendra par la suite l’hôtel-restaurant Brizeux. Les convives ont emprunté la rue L’Hellegouac’h pour rejoindre le bas de la place de la mairie. Une tente a été dressée dans la cour de l’auberge pour accueillir tous les invités. A cette époque, il y avait deux mets dont on ne pouvait se passer : les tripes à la bretonne, coupées finement et sautées au beurre salé et le gâteau breton. Parfois, Ils sont remplacés par  le rôti de veau et le far! Et l'on finit en servant le café et le pousse-café bien entendu. Comme dans toutes les noces, on chante à table, juste ou faux, tantôt en chœur, tantôt en solo. Avec un répertoire inépuisables alternant des chansons d'amour ou des "gwerziou",de tragiques complaintes.


Des invités sortent de la tente :les sonneurs ont pris place sur les barriques devant le café Toupin (Petit Caboulot actuellement). Entre les plats, on se lève, à l'appel strident du biniou koz et l'on danse gavottes et jabadao  pour aider digérer le «fricot», le  festin de  la noce.

*****

 Sources : références bibliographiques extraites d'un article de Bernard Deviller- « Le Lien du centre généalogique du Finistère «  N° 102 juin 2007-  "La  vie quotidienne des paysans bretons", Yann Brékilien- Cartes Collection  Villard

Retour