An Alé fao: un accès au gibet ou au tumulus ?

 

"An Alle Fao", l'allée de hêtres :c'est le premier toponyme par ordre alphabétique de la liste établie par Youn Craff, Louis Monfort, Louis Penn et Yves Yaouanc il y a 30 ans. Un lieu-dit mystérieux à bien des égards

 Les allées  de manoirs

Habituellement cette appellation est liée à la présence d'un manoir. Ainsi à Quimper, le Manoir de Kerhuel :":Au bout d'une magnifique allée de hêtres centenaires, vous découvrirez un manoir du 15ème siècle entièrement rénové" . A Penhoat en Plounéour-Ménez:" Au bout d'une longue allée majestueuse bordée de hêtres, on découvre le manoir au centre d'un parc qui offre de vastes pelouses". En Normandie :"L’arrivée au Manoir de la Fieffe est charmante, par une grande allée de hêtres centenaires qui traverse un parc verdoyant rempli de belles essences exotiques" ou encore à Guipavas:" Manoir du Rumen :Cette propriété de 2 hectares avait  une  allée  privée  bordée  de  hêtres, une maison de gardien, des écuries, une  maison  à  four…"
A Scaër, même le cadastre napoléonien recense  les toponymes "Beg an Ale,  Pen an Ale, Prat an ale, An Ale Coz". pour des parcelles bordant le chemin menant du manoir de Coat-Forn à la route de Rosporden.

Un accès au gibet ?

Dans le cercle rouge : Rue Curie,le  lieu dit " An Alé fao" en 1952 et aujourd'hui

"An Alle Fao" ou "an Alé fao" est l’ancien  nom du quartier de la rue Curie qui correspond approximativement au parking de l'école maternelle. Sur le cadastre de 1828, trois parcelles sont dénommées "prat an alé fao " ( prairie de l'allée de hêtres)dont l'une étroite (N° 49) devait être l'allée bordée de hêtres en question. A chaque angle de cette bande de terre est délimitée par un  énigmatique point noir. Y aurait-il eu un manoir au bout de cette allée sur la parcelle 51 ? Il n'y a  en tout cas aucune trace de construction dans cette zone sur le cadastre de 1828

Il se pourrait bien que cette allée partant de la route de Coray soit l'accès au gibet de Gouriger qui figure sur la carte de Cassini établie quelques décennies seulement avant le cadastre napoléonien. Ce lieu patibulaire dépendait sous l'Ancien Régime de la seigneurie de Kervégant dont le manoir était près de Coat-Loc'h. Robert du Louet, seigneur de Coatjunnal  détenait la châtellenie de Trévalot et Kervégant et avait droit de justice : il tenait audience  chaque samedi au bourg de Scaër, sur le site de la place Camille Boucher ( Sources : papiers Terriers de Concarneau , 1686.)

Ces fourches patibulaires qui supportaient les corps de condamnés étaient situées sur les parcelles voisines (73: Goarem ar Jutissou Bras, 74 : Goarem ar Justissou bihan). C'est à dire " garenne de la justice grande et petite" .Il n'y avait plus de gibet à l'époque où ce cadastre a été créé mais les noms de lieux du quartier ont été conservés.

Le seigneur de Kervégant a-t-il voulu solenniser ce lieu en y créant une allée bordée de hêtres comme pour les manoirs cités plus haut  car le lieu de justice n'était pas assez visible des chemins menant de Scaër à Rosporden et Coray? Ce n'est qu'une hypothèse que l'on ne peut confirmer hélas.



Sur le cadastre napoléonien les N° 48 à 51 sont des " prat an Alé fao" : 49 : la bande étroite qui correspond à l'allée de hêtres.
N° 73 et 74 : Goarem ar Justissou, site du gibet. N° 52 : site du tumulus

 

Un tumulus

 A proximité, à l'extrémité de l'actuelle école élémentaire Joliot-Curie, il y eut une occupation dès l'antiquité . Dans ses « notes archéologiques sur le département du Finistère » parues en 1876/77, E. Flagelle raconte l’histoire suivante :"Vers 1839, M. Le Dez, propriétaire de Parc-Lostec, section E, n° 52, situé à 400 mètres ouest du bourg, fit démolir un tumulus qui se trouvait à l'angle Nord-est de ce champ. On trouva au fond un cercle de pierres quartzeuses de 3 mètres de diamètre, au centre duquel se trouvait placée une urne de terre grossière de la dimension et de la forme des plus grands pots à lait du pays. Cette urne, était entourée de 4 autres plus petites, de forme arrondie, avec un long col, mais d'une terre plus fine. Toutes les urnes étaient en terre grise tirant sur le rouge. Le flanc de chacune des petites urnes était orné de 4 médaillons ronds également espacés et du diamètre d'une ancienne pièce de six livres ". 

Cette allée de hêtres conduisait-elle depuis des temps immémoriaux vers ce tumulus ? C'est une autre hypothèse aussi difficile à vérifier que  celle d'une voie menant au gibet ?

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