A la découverte de l'ancienne église romane


 Vers l’an 2000, l’association pour la mise en en valeur du patrimoine scaërois avait réalisée une étude sur l’ancienne église romane de Scaër à partir notamment du dossier établi par l’architecte Bigot , conservé aux archives de l’évêché à Quimper.  Cette étude avait été initialement publiée sur le site «  le patrimoine religieux scaërois » créé par les élèves de 3e du collège Saint Alain en 2001, site primé par la région dans le cadre de l’opération «  mon école, c’est de l’or pour ma commune ». Elle est toujours consultable  sur le site historique du collège, onglet patrimoine religieux .

 L'église du XIIe siècle (dessin de Charles Giraud , vers 1860, musée du Louvre)



 Lithographie de Félix Benoist (1865.)

 Une église du XIe siècle

Attirons l’attention sur les aspects intéressants de cette ancienne église dont la nef remontait au XIle siècle et le porche au XVe.  Les bas-côtés reconstruits et chapelles dataient de la fin du XVIe siècle, sauf le bas-côtés nord et l'abside qui ont été faits à des dates modernes; le clocher  avait été construit en 1789 ( il coiffe l’église de Guiscriff aujourd’hui).
La nef romane existant en 1872 avait environ 19,50 mètres de long pour une largeur de 6 mètres entre les piliers soutenant les 10 arcades restantes.  Les collatéraux devaient avoir 3,30 mètres de largeur
  La nef présentait 5 arcades de chaque côté.  Ces arcades à plein cintre surhaussé reposent sur des piliers massifs (huit de 1 m 20 x 0 m 93 et deux situés près du transept de 1 m 66 x 0 m 93) encadrées (encadrant) à chaque extrémité par une colonnette centrale engagée dont les chapiteaux sculptés grossièrement sont accompagnés de corbeaux très simples. Les bases des colonnettes sont presque entièrement enfoncées dans le dallage .

Plan de l'ancienne église romane daté du 16 avril 1872 avec 5 arcades de chaque côté. A comparer avec le projet d'agrandissement ci-dessous


En haut : dessin du portail  réalisé par Bigot.En bas: coupe transversale de l'église de Scaër ( identique à celle de l'église de Priziac représentée plus bas).

(Bigot en a représenté deux à la partie supérieure gauche de la page de croquis ci-dessous( A). Il a aussi dessiné quelques chapiteaux . On ignore ce que sont devenus ces chapiteaux ? Ont-ils été retaillés? Ont-ils été utilisés dans les fondations de l'église actuelle? Certains ont servi de modèle aux chapiteaux actuels comme celui qui est près de la lettre C ci-dessous

 
Plan d'un projet de rénovation de l'église romane daté du 5 juin 1872.L'architecte Bigot et l’évêque auraient souhaité conserver la nef romane en raison de la rareté de sa décoration, ainsi que le clocher, le porche et l’ossuaire. Bigot aurait rallongé l'ancienne nef  de deux arcades et rajouté la partie en haut du plan. A noter que cette partie a été retenue pour l'église actuelle . Mais la sacristie octogonale se trouve  aujourd'hui à gauche 

Les dessins de Bigot:colonnes de l'ancienne église( A), plusieurs chapiteaux, coupe de l'église, et un chapiteau encastré entre deux corbelets(B)

Projet d'un " cul-de-lampe" au fond du chœur de l'église romane rénovée Avec à gauche un logement pour le  sacristain et à droite une sacristie


Chaque pilier était couvert d'une dalle tailloir rectangulaire dépassant d'environ 35 cm de chaque côté de la longueur du pilier vu en coupe.  Sous le tailloir, quatre corbelets saillaient sur la face la plus étroite du pilier encadrant un chapiteau.
De part et d'autre de chaque pilier, sur leur face la plus étroite, étaient élevées de fines colonnes de 23 cm de diamètre et de 3,15 m de hauteur, supportées par des socles chanfreinés, large de 25 cm à la base et haut de 26 cm, la partie chanfreinée atteignant 10 cm de hauteur.
Chaque colonnette recevait un chapiteau rectangulaire ou en forme de pyramide tronquée et renversée, décoré sur trois faces, et chanfreinée à la base pour s'ajuster à la colonne selon le plan en élévation laissé par Bigot. 22 colonnes et chapiteaux existaient en 1872.
 Tous ont des décors géométriques (volutes, bâtons brisés, crossettes, entrelacs, anneaux superposés, carrés inscrits dans un losange, disque surmontant un chevron, chevrons multiples).  L'architecte nous a laissé le dessin d'onze d'entre eux. Bigot ne le note pas mais selon Cambry : «  au milieu de Saints dorés, de Christs, de Vierges, de tableaux de la piété la plus superstitieuse, on voit, sculpté en bois ou sur le dur granité, un lapin jouant de la musette et faisant danser un chien un singe montrant le derrière; un renard mangeant une poule; des fables d'Ésope, etc., etc ». (extrait du catalogue des objets échappés au vandalisme de la Révolution ,an III)

 

Chapiteau de l'église actuelle. Il n'est pas sans rappeler la remarque de Bigot


Bigot et  l’évêque auraient souhaité conserver la nef romane en raison de la rareté de sa décoration, ainsi que le clocher, le porche et l’ossuaire.  « Tout le reste serait démoli et refait dans le style roman ».


Ce chapiteau de l'église actuelle était déjà présent dans l'ancienne église romane( C sur les dessins)

Le même motif est présent dans l'église de Priziac


L’école du Blavet

L’ancienne église de Scaër ressemblait aux églises de Langonnet, Calan, Priziac et Ploerdut.  L'étude l'association du patrimoine scaërois est précise: « Nous avons visité attentivement toutes les églises romanes morbihannaises leur air de famille est évident, mais c'est celle de Priziac qui nous semble être la plus proche de Scaër quant à son architecture générale et à ses éléments de décoration. Nous avons retrouvé dans cette église Saint Beheau trois piliers rectangulaires et deux colonnettes à chapiteaux encastrés entre deux corbelets dans l'arcade séparant le collatéral nord du transept :le même type de colonnettes existe dans les dessins de Bigot (B sur les dessins de Bigot).
Les chapiteaux de Scaër, uniquement à décors géométriques rappelaient certains motifs des églises de Calan et de Ploërdut; on ne rencontre des sculptures anthropomorphes et zoomorphes que dans les églises de Langonnet et de Priziac» . L'existence au Moyen-âge d'une route majeure Rosporden-Scaër-Le Faouët peut expliquer  cette influence de l'école  du Blavet dans l’architecture de l'église romane de Scaër à jamais disparue.


Ploerdut :chapiteau encastré entre deux corbelets


Coupe de l'église de Priziac : identique à la vieille église de Scaër.


Bigot  avait préparé un projet de restauration-agrandissement de l'église romane, portant la" partie occupée par la population" de 465 à 522 m² en ajoutant deux arcades supplémentaires. Le curé Billon fera le forcing pour obtenir une église neuve  et obtiendra gain de cause.

A la demande du Maire, Henri Le Bihan et du conseil de fabrique présidé par le curé, l'église néo-romane du actuelle sera édifiée entre le mois de Juillet 1873 et le mois de Juillet 1874, suivant les plans établis par l'architecte diocésain Joseph Bigot, après le déplacement de l'ancien cimetière, par l'entreprise Jassis de Châteaulin,

 L'église de Priziac a été  inscrite  au titre des monuments historiques en 1925. L'ancienne église de Scaër aurait pu sans doute  bénéficier du même traitement si elle avait été conservée.

Textes historiques

Les deux extraits suivants concernent l'ancienne église romane de Scaër. Les armoiries des familles nobles ornaient les vitraux

- Aveux et dénombrements  de la sénéchaussée de Conq, Fouesnant et Rosporden . A propos du manoir de Trévalot : "Louise de Launay,  après le décès de Catherine de Thomelin (1537),  a déclaré avoir le chœur et le chanceau ( chapelle privée) en l’église paroissiale de Scaër ainsi que la chapelle de Coëtdry ( Coadry) où elle a ses armes en bosse, au lieu le plus éminent". Archives départementales 44, série B.

-Procès-Verbal fait le 18 Février 1622 par Tanguy de Botmeur, Seigneur du dit lieu, Sénéchal de la Cour de Conq, Fouesnant et Rosporden, en l'église de Scaër pour servir de procès entre le Seigneur de Kervégant et les de Carné.
"Il y aurait eu la maîtresse vitre au 3° soufflet (élément en forme de lance ou de pique des fenestrages du style gothique flamboyant) du second rang du côté de l'épître un écusson entouré du collier de l’ordre de Chevalier du Roy, portant l'argent parsemé d'hermines à deux chevrons rompus de gueule que la Dame de Kervalin  dit être celle de Ploeuc, Seigneur de Kervégant à cause de la dite terre, ainsi que ceux qui sont dans le 1ère vitre de la chapelle de Notre Dame du côté de l'évangile du grand autel où il y a trois écussons, l'un en haut de Ploeuc, en alliance avec Trevalot, qui sont d'argent à trois bandes de gueules et les 2 autres de la maison de K/vidon à 3…    d'or avec les armes de Ploeuc.
En cette chapelle il y a sur un banc à accoudoir, les pleines armes de Ploeuc et un long banc sous l'arcade de la dite chapelle au-devant de l'endroit ou re¬pose le précieux corps de Notre Seigneur, il y a une tombe enlevée aux pleines armes de Ploeuc et de Trevalot
." Source :Fonds Le Guennec).

Retour