En 1735, l'illustre géomètre César François Cassini de Thuryi faisait des relevés dans la région, afin d’établir sa monumentale carte de France en 180 feuilles. Il était accompagné que quelques aides : Maraldy, l'Abbé de la Grive, Mrs Leroy et Chevalier.
L'intendant de Bretagne avait adressé aux subdélégués, sortes de Sous-préfets avant la lettre, des institutions précises au vu de faciliter les opérations de géodésie de Cassini et des siens. Il recommandait de n'apporter aucun trouble dans leur mission, mais au contraire de leur prêter toute l'assistance possible, de leur fournir des guides, couvreurs, charpentiers et de les autoriser à pratiquer dans les clochers les ouvertures nécessaires, en donnant l'assurance d'un large dédommagement.
Bougre, descends ou je te tue
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Malgré ces précautions, Cassini fut mal reçu à Coadry comme en témoigne une lettre adressée à l’intendant de Rosporden conservée aux archives d’Ile et Vilaine ."Le 16 Septembre 1735, nous sommes allés à une chapelle appelée Quadri. Nous eûmes soin de demander le recteur pour que nous puissions avoir la clé de l'église, On nous dit que c'estoit une simple chapelle et qu'il n'y avoit ni seigneur, ni curé, mais que les portes étoient ouvertes.
"Nous fîmes monter nos instruments et nous observâmes jusqu'à 6 heures du soir, que nous entendîmes la voix d'un homme qui nous crioit : " Bougre, descends ou je te tue " Nous ne pûmes jamais nous imaginer que cette voix nous regardoit, mais voyant qu'il (sic) insistoit davantage et que c'étoit à nous qu'il s'adressoit, nous lui dîmes que nous travaillions par ordre du Roi et que s'il youloit, nous les lui ferions voir. Il nous dît qu'il ne s'embarassoit point de cela et que si nous ne descendions, qu'il nous tueroit.
"Comme j'étois monté sur le haut du clocher, et qu'il m'estoit impossible à moins de me jeter à bas, de descendre aussitôt qu'il l'auroit souhaité, il se mit à me viser. Je me cachai promptement derrière un pilier et je descendis pour lui parler. Je lui montrai les ordres du Roi. II me répondit que sa terre ne dépendoit point du Roi, et qu'il étoit accoutumé à voir des bougres et des fripons de Paris venir travailler à ces sortes d'ouvrages", se sont, Monsieur, ses termes auxquels nous avons répondu avec toute la politesse possible.
Nous lui avons dit simplement que nous les lui ferions signifier d'une manière qui lui imposeroit plus de respect. C'est Monsieur du Coëdich qui en agit de la sorte ".
Cassini continue sa lettre en disant qu'il fit aussitôt prier le Subdélégué de Quimper d'envoyer la maréchaussée au manoir de Kergoaler pour arrêter irascible Mr du Couëdic et lui apprendre à déférer aux ordres du Roi en le conduisant en prison. Le Subdélégué dut trouver l'exigence excessive. Il s'en tira par une défaite et répondit qu'il n'avait personne sous la main.
Mais Cassini voulait que l'agresseur soit puni, et il pressa l'intendant de donner à son subordonné quimpérois des ordres formels pour faire coffrer M. du Couëdic laissant entendre qu'il se plaindrait directement, s'il le fallait à la cour.
Cassini pris pour un agent du fisc
Il paraît que le châtelain de Kergoaler tâta de la geôle. Il le méritait sans doute, mais ses menaces à l'adresse de Cassini furent moins inspirées par une ignorante ineptie de hobereau que par la défiance irréductible qu'éprouvaient jadis les gentilshommes bas-bretons à l'égard de toutes les prescriptions du gouvernement de Paris touchant le mesurage des terres, le dénombrement des habitants, l'ouverture de nouveaux grands chemins. Tout cela, croyaient-ils, se traduirait pour eux et leurs tenanciers sous forme d'impositions supplémentaires, d'aggravations de taxes et de décimes.
Le Parlement de Bretagne qui n'était composé que de sots, partageait sur ce point l'opinion commune, il s'opposa plus d'une fois au recensement de la population. En voyant Cassini viser l'horizon de son théodolite (Instrument de visée muni d'une lunette, servant en géodésie à mesurer les angles, à lever les plans), M. du Couëdic s'était imaginé sûrement qu'il levait le plan de la paroisse dans un but fiscal.
D'après nos recherches sur Généanet, Il s''agissait du capitaine Jean Corentin du Couëdic de Kergoaler (1680-1741), seigneur de Kergoualer,Kermabel, Kermorvan,,Kernabat. Son demi-frère Olivier-Robert du Couëdic de Kergoaler, était le père de Charles-Louis, le vaillant marin qui devait immortaliser son nom dans le
combat de la Surveillante pendant la guerre d'indépendance de
l'Amérique.
Source :Fonds Le Guennec 1er cahier, Archives Départementale du Finistère, collectée par l'association de mise en valeur du patrimoine en septembre 2020