Une maison typique de la campagne scaëroise au XIXe siècle

 

« Leur cahute sans jour est pleine de fumée ; une claie légère la partage. Le maître du ménage, sa femme, ses enfants et ses petits-enfants occupent une de ces parties ; l'autre contient les bœufs, les vaches, tous les animaux de la ferme. Les exhalaisons réciproques se communiquent librement et je ne sais qui perd à cet échange » : C’est ainsi que Cambry  (Voyage dans le Finistère ) décrivait  la maison des laboureurs à la fin du XVIIIe siècle. La misère était telle dans certaines contrées de l'intérieur, que l'on trouvait même encore au siècle suivant des pauvres chaumières où bêtes et gens n'étaient séparés que par une cloison percée d'ouvertures pour permettre aux humains de profiter de la chaleur animale.
 Yann Brékilien  a réalisé une étude sur les maisons rurales au XIXe siècle, maisons qui ont été habitées durant la première moitié du XXe siècle comme en témoignent les plans et photos de l’enquête  réalisée en 1943 sur la commune  par le musée national des arts et traditions populaires. 

 

Une vue de l'angle nord-est du Ti-Coz. Au dessus des meubles: les " reliques familiales" que sont les portraits des aïeux, les médailles de la guerre 14-18, des photos de monuments..


 

 La demeure paysanne type, à Scaër comme ailleurs, était la maison de deux pièces de dix mètres sur six environ, prolongée par des étables et des écuries. Elle était presque toujours couverte en chaume. Les fenêtres étaient rares et étroites : la faute à l’impôt sur les portes et fenêtres institué sous le Directoire, qui s'est maintenu jusqu'en 1917.

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À la suite de Yann Brékilien visitons l’intérieur dans cette maison où la disposition des meubles  était quasiment la même partout. Cette visite virtuelle est illustrée par des plans et photos  scaërois que nous avons aussi mis en relief de façon différente  dans de notre étude sur le mobilier traditionnel .

 Lits clos, armoire, horloge, vaisselier

«  La porte franchie, nous nous trouvons dans un couloir étroit et assez sombre, délimité à gauche par une cloison de bois avec une porte, et à droite par un panneau, également de bois, dont l'assemblage va tout de suite nous intriguer. Montants, traverses, panneaux — en regardant de plus près, nous découvrons qu'il s'agit du dos d'une armoire ou d'un lit clos, astucieusement placé en épi pour servir de séparation. Droit devant nous, un raide escalier monte vers le grenier en soupente.
Tournons   notre regard à droite : Nous sommes dans la salle commune. Le sol en est de terre battue : on peut y circuler avec des sabots souillés de fumier sans craindre de rien abîmer.

 

Deux exemples de plan de "Ti-Coz" datant de 1943.La disposition du mobilier était quasi identique
d'une maison à l'autre


 

Légende ( plan et photo). 1: Lit clos et son bancs coffre; 2:horloger;3: buffet-vaisselier;4:armoire;
4 bis : garde-manger;5: table et ses bancs;6: cheminée; 7:escalier.
A gauche de la photo : la laiterie ( écrémeuse) située au pied de l'escalier
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En face de nous, contre le pignon, se dresse la grande cheminée de pierre où se fait toute la cuisine.. Au-dessus des braises, sur un trépied, mijote la marmite. Bien souvent, il y a sur le côté, dans l'âtre même, un petit banc rustique où les vieux s'assoient pour se chauffer. Devant la hotte, bols et assiettes de faïence rouge ou noire s'alignent dans des galeries garnies de fuseaux.
Ce qui est typiquement breton, c'est la surprenante paroi qui, côté nord, s’étend depuis le pignon jusqu'à l'escalier. Elle est composée de boiseries finement ciselées que font flamboyer des années, si ce n'est des siècles, d'encaustiquage avec la cire vierge des ruches de la ferme.
En vérité, ce n'est pas une paroi. Ce sont tous les meubles importants de la demeure, que l’on a alignés le long du mur, sans laisser le moindre espace entre eux. L'alignement est si rigoureux que l'on ne voit qu'une façade ; une seule corniche court d'un bout à l'autre. Ainsi le mobilier fait-il si bien corps avec la maison, que l'on a l'impression de placards creusés dans l’épaisseur de la muraille.
Plusieurs de ces placards sont les fameux lits clos Le lit clos se présente comme un châssis de chêne garni de panneaux sculptés ou ajourés, dont un ou deux coulissent pour dégager une entrée juste suffisante pour le passage d'une personne. Parfois ces panneaux coulissants sont souvent supprimés et l'ouverture reste libre ; les bords en sont alors joliment découpés, selon des lignes sinueuses Certains lits clos ont vu se succéder bien des générations. Les plus anciens témoignent d'un temps où l'on craignait plus le froid que l'asphyxie : ils sont à panneaux pleins, et leur porte seule est percée de minuscules orifices d'aération.,
Il n'est pas des plus facile d'entrer dans un tel lit, ni surtout d'en sortir. Aussi a-t-on placé devant lui un banc-coffre, le « bank-tossel », qui sert de marchepied. Il sert aussi de huche pour pétrir la pâte du pain de ménage, et c'est sur lui que l'on pose le berceau du dernier-né afin de le mettre — sage précaution — hors de portée des pourceaux qui vont et viennent librement dans la pièce.
Le lit clos n'était pas, aux yeux du paysan, la pièce essentielle de son mobilier. Le meuble important et distingué dans lequel il mettait son orgueil, celui que regardaient d'abord parents et amis en visite, c'était l'armoire. Tout jeune ménage, riche ou pauvre, même s'il vivait chez les parents de l'un des époux, avait son armoire personnelle, confectionnée à l'occasion du mariage. La forme en était simple, linéaire — une façade rectangulaire avec deux portes rectangulaires — mais la décoration très riche. Tout l'arsenal des gâteaux, rosettes, pointes de diamant, festons, torsades et entrelacs y passait, avec les pampres, les feuilles et les palmettes. Le tout rehaussé de gros clous de cuivre étincelants. Mais ce qui était vraiment original, c'était l'utilisation insolite de motifs religieux, tel le cœur surmonté d'une croix, le sigle I-H-S, ou le calice, un ostensoir encadré de deux chandeliers,de branches, de pots de fleurs, d'oiseaux et de coqs …
Entre les lits clos et les armoires prennent place souvent une horloge à balancier, ainsi qu'un large vaisselier, dont le bas est un buffet à deux battants et le haut une superposition de galeries où la fermière expose avec complaisance ses faïences décorées et ses écuelles de terre.
De l'autre côté de la pièce, s'étend la longue table-huche, toujours placée perpendiculairement au mur, auquel s'accote son bas bout, juste sous la fenêtre. Elle est encadrée de deux bancs, très souvent à dossier.
 Le seul éclairage, c'est la flamme du foyer ou, comme au Moyen Age, la torche de résine fichée dans un landier de fer forgé. Dans le coin entre la table et la cheminée, sont entassés des fagots et rassemblés divers ustensiles ménagers : jarres, chaudrons, baratte, rouet. Voyez une mécanique strictement utilitaire comme le rouet : elle est faite de tiges, de rayons et de bielles tournés et moulurés comme des pieds de fauteuils Louis XIII, qui lui confèrent grâce et légèreté

»

Derrière le banc à dossier: la cheminée masquée derrière des portes en bois et un meuble garde-manger


Horloge comtoise et armoire accolée à une demi-cloison en bois . A : de l'autre côté du couloir : la porte donnant accès à la salle secondaire ( Ar penn-traon)

 

Ar Penn-Traon

La salle commune ( ar zal vras, an ti bras) dont nous venons de faire le tour est parfois la pièce unique où se concentre la vie quotidienne( cuisine, repas, couchage) Mais une ferme de quelque importance en possède une seconde ( ar penn traon), Elle est symétrique à la salle commune avec une cheminée au pignon, la table devant la fenêtre, un ou deux lits, des vieux coffres. Mais les meubles ne sont pas serrés à se toucher. Cette pièce sert de débarras et de chambre à coucher ( quand il y a plusieurs générations dans la maison) On utilise sa cheminée et sa table lors des grandes occasions .

Sources :Yann Brékilien "« La vie quotidienne des paysans bretons au XIXe siècle . Photos: MNATP au Mucem de Marseille ( Le Coz-Felden)

Sur le même thème:   les bâtiments de la ferme 

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