Une enquête sur le mobilier traditionnel scaërois

Une des enquêtes s'inscrivant dans les « Chantiers intellectuels » organisés dans le cadre du Commissariat à la Lutte contre le Chômage de la Délégation Générale à l'Équipement National : l'Enquête sur l'Architecture Rurale concernait le Mobilier Traditionnel (EMT, chantier 909, 1941-1946).

Un rouet à pédale . A gauche photo de 1943. A droite : photo actuelle d'un rouet identique qui a pu être sauvegardé



 
Intérieur typique d'une maison cossue



Un vaisselier à quatre niveaux surmontant un bahut

Remettre en honneur les meubles traditionnels

Ouverte le 15 avril 1941, l’enquête du MNATP sur le mobilier traditionnel visait d’une part à fournir du mobilier pour les logements urbains des régions sinistrées, et d’autre part à rassembler une documentation sur le mobilier des régions françaises. Pour le directeur technique du Chantier, Urbain Cassan (1890-1979), comme pour ses deux directeurs scientifiques Rivière et Pierre-Louis Duchartre, il s’agissait à la fois de « remettre en honneur les meubles traditionnels chez les paysans et habitants des petites villes trop portés à se meubler “à la Parisienne” et à se laisser dépouiller par les antiquaires [... et] de rénover l’équipement de la maison provinciale, rurale ou urbaine par la création, étayée sur la documentation récoltée, de nouveaux modèles étudiés en fonction des besoins régionaux, inspirés, sans pastiche, des traditions régionales et exécutés par l’industrie ou l’artisanat locaux ».

 

Production en série : les portes se ressemblent


Quarante-cinq enquêteurs, anciens élèves de l’école Boulle, des Arts décoratifs, des Beaux-Arts, et surtout des Arts appliqués, s’engagèrent sur le terrain à partir du 1er mai 1941. Ils ne devaient pas oublier « l’artisan qui les a fabriqués ou les fabrique encore. »Marcel Maget, les créateurs de meubles, objets des enquêtes, en sont également les futurs destinataires : « De ce répertoire de formes, de décors et de procédés auquel puiseront les créateurs de meubles de l’avenir surgira un nouvel art populaire français qu’auront préparé si efficacement les enquêteurs du Chantier 909 », prophétisait-il en 1942.

Une armoire à lait avec porte ajourée ; à gauche, de l'autre côté de la cloison: l'écrémeuse

L'horloge et l'armoire sont adossées à une cloison à l'arrière de laquelle il y a la porte d'entrée et un couloir

Armoire avec décor de rosaces, d'oiseaux et incrustations

Un berceau ouvragé


Une étude inédite

René -Yves Creston fut une cheville essentielle dans l’organisation du réseau breton. Le Rennais Jacques Bruchet, architecte ; Maurice et René Coz, Bretons de Paris qui, avec Fanch Éliès de Saint-Brieuc, bretonnant, sont des équipiers du chantier 909 dans le Morbihan bretonnant, les Côtes-du-Nord et le Finistère. D’autres chercheurs sont chargés de missions ponctuelles en Bretagne : Pierre Descouleurs, Pierre Felden . René Coz et Pierre Felden prirent une cinquantaine de photos en juillet 1943, à Scaër , photos qui sont consultables aujourd’hui sur le site du MUCEM. Ils ne précisent pas les villages où furent prises ces clichés Ces photographies, relevés de motifs ornementaux, de sculptures, de ferrures, d’assemblages constituent pour la connaissance du mobilier régional une source très peu étudiée et presque totalement inédite.

Production en série : les mêmes portes sur une photo de 1943 et la photo actuelle d'une porte qui a été restaurée après avoir servi de cloison dans une porcherie


Intérieur typique d'un maison paysanne en 1943.L'horloge comtoise et le lit clos sont alignés. Devant le lit : un banc coffre. Au -dessus du lit :on devine le portrait d'un soldat de 14-18


 Après 1950, au nom de la modernité, ces meubles ouvragé en bois véritable ont été  remplacés par du mobilier industriel en bois pressé ou en contreplaqué. Des antiquaires sillonnaient les campagnes pour demander à la " mamm-goz "d'échanger son vaisselier sculpté contre un  meuble moderne recouvert de formica. Le travail des ébénistes a fini au feu. Des portes ont servi de cloisons dans les porcheries, des lits clos ont achevé leur carrière en poulailler. Heureusement, quelques vestiges de l'époque glorieuse des ébénistes scaërois du début du XXe siècle ont pu être sauvés et restaurés.

Sources : MUCEM de Marseille et recherches Web sur l'EMT909

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