Février 1939 : Des réfugiés espagnols accueillis aux haras


La guerre civile d'Espagne est un conflit qui, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, opposa en Espagne, d'une part le camp des républicains, orienté à gauche et à l'extrême gauche, composé de loyalistes à l'égard du gouvernement légalement établi de la IIe République, de communistes, de marxistes et de révolutionnaires anarchistes, et d'autre part les nationalistes, les rebelles putschistes orientés à droite et à l'extrême droite et menés par le général Franco.

La Retirada

Quand le 26 janvier 1939, Barcelone tombe aux mains des troupes du général Franco, la population catalane - et avec elle des milliers de républicains provenant de toute l’Espagne - gagne la frontière française pour échapper à la répression et aux bombardements. Cet épisode, nommé la Retirada, marque un véritable exode : en 15 jours, entre janvier et février 1939, près d’un demi-million de personnes franchissent la frontière des Pyrénées, dans de terribles conditions. Un grand nombre de départements français sont mobilisés pour les accueillir et la Bretagne ne fait pas figure d’exception : la plupart d’entre eux sont alors des femmes, des enfants et des vieillards. Les hommes sont, quant à eux, internés dans des camps dans le Sud de la France. Dans le Finistère, où environ 4 000 Espagnols sont hébergés, le préfet doit directement faire appel aux maires car il n’existe pas de bâtiments publics disponibles.


Une cinquantaine de réfugiés espagnols ont été logés dans les locaux des haras au printemps 1939


Vous avez dit "camp de concentration " ?

48 puis 53 réfugiés

Le journal "L’Union agricole de Quimperlé" du 10 février 1939 annonce « qu’un contingent de 48 réfugiés espagnols est arrivé à Scaër et a été placé provisoirement dans les dépendances du Haras par les soins de la municipalité. La population scaëroise les a bien accueillis ». Mais une semaine plus tard des mesures restrictives apparaissent : interdiction pour les non-autorisés d’aller aux haras, interdiction de loger chez l’habitant. La vie continue et le 1er mars, l’abbé Ollivier baptisa trois nouveaux nés parmi les réfugiés hébergés à Scaër.
 Le dimanche 12 mars, salle Glémarec eut lieu un bal de bienfaisance pour venir en aide aux réfugiés espagnols. Fin avril, un compte rendu du conseil municipal annonce que « Le bal et les dons a produit la somme nette de 3.799,20 francs. Le conseil décide de répartir cette somme entre les 53 réfugiés : 50 euros à chacun immédiatement et 21, 65 Francs lors du départ ».
 Un départ qui se fit vraisemblablement avant l’été afin de libérer les haras avant l’arrivée, comme chaque année, des étalons des haras nationaux dans des circonstances que les réfugiés n’ont pas dû apprécier :« On nous a dit qu’il fallait qu’on parte de là-bas parce qu’il fallait désinfecter car les chevaux arrivaient… Est-ce que l’on avait désinfecté aussi avant notre arrivée ? ». La presse ne fait pas écho de ce départ, mais on peut supposer que la majorité des réfugiés ont quitté la commune si bien que cet épisode de l’histoire locale est tombé peu à peu dans l’oubli.

La presse locale (Écho de Cornouaille, Union agricole) relata le séjour des réfugiés à Scaër
 
 

Nous avons retrouvé cependant la trace, via l'état-civil, de deux familles de réfugiés dont la présence est attestée à Scaër après 1939. Alors que la guerre se profile, ceux qui restent deviennent pour le gouvernement français une possible main d’œuvre pour remplacer les appelés au front.

Une naissance

 Francisco  X...... était originaire d'Ortedó, dans la province de Lérida en Catalogne. Il suivit des études musicales chez les moines du monastère de Montserrat et apprend la composition. Il gagna sa vie en dirigeant le premier ensemble de jazz de Catalogne, The Catalonia Jazz. Ses improvisations au clavier accompagnent aussi des films muets, dans les salles de cinéma.  Il combattit dans les rangs républicains durant la guerre civile avec le grade de lieutenant.
Après la défaite de l’armée républicaine, il demanda à sa femme Josefina et à son fils de quitter la Catalogne début février par le train. Au bout de la ligne, il y avait Scaër. Francisco franchit la frontière un peu plus tard et fut incarcéré dans un des camps d’Argelès-sur-mer, du Barcarès et de Saint-Cyprien construits à même le sable, par les réfugiés. Sa femme réfugiée à Scaër le retrouvera grâce à la Croix-Rouge. Francisco rejoindra sa famille quelques temps plus tard.
Le couple occupera une chambre de l’immeuble faisant l’angle de la rue Brizeux et de la rue du presbytère, en face de l’église. C’est là que naquit leur fille Montserrat-Françoise-Anne le 4 octobre 1942: Montserrat en mémoire du pays catalan, Françoise parce qu’elle est née le jour de la saint François, et Anne de Bretagne. Son parrain fut le fils du Dr Chapel. 

« Beaucoup de réfugiés arrivés avec ma mère sont repartis rapidement vers Nantes, Bordeaux. Mon père a travaillé quelques temps dans une ferme à Mesnoter et poursuivit sa vie musicale : il donnait des cours de musique et allait animer des bals transportant son accordéon sur son vélo, jouant aussi dans l’orchestre Tourbillon bleu». Il dirigea aussi l’harmonie municipale scaëroise de 1944 à 1952, année où la famille s’établit à Douarnenez.

En rouge : le lieu d'accueil des réfugiés en février 1939 . En bleu, la maison ou naquit Montserrat en 1942



Une émigrée espagnole épousa un Scaërois en 1946

Un mariage

 Les anciens de la commune ont encore en mémoire le mariage en décembre 1946 de René Guéguen, de Toyal,qui exerçait la profession de commerçant-artisan, avec une jeune fille prénommée Assomption . Née à Madrid en 1928, elle demeurait à cette époque avec ses parents au bourg de Scaër. René Guéguen était un ancien résistant : c’est François Kersulec, adjoint au commandant du bataillon Louis d’Or qui était son témoin. 

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