Axes routiers majeurs . Scaër dans un " triangle des Bermudes"

 

En septembre 2004, Henri Gilles, d'origine scaëroise, présenta à la Sorbonne un mémoire de maîtrise de géographie sur le thème de l’évolution de la commune de Scaër de 1945 à 2000. Dans les fondamentaux de cette évolution,il consacre de nombreuses pages aux voies de communication.  « L’histoire de Scaër et de ses voies de communication est un élément de premier ordre dans l’évolution économique de la commune sur la période 1945 à aujourd’hui ». De cette étude, nous avons repris et actualisé  plusieurs passages relatifs  aux voies ferrée et routière.

L'annonce de la sortie vers Scaër via l'échangeur de Kerandreo ( Google street view)


Une voie ferrée obsolète

 Il s’est intéressé en premier lieu  au destin de la voie ferrée du réseau breton : celle-ci contribua fortement au développement de la commune durant la première moitié du XXe siècle en important par exemple des engrais pour l’agriculture et du charbon et en exportant les productions locales ( pommes de terre par exemple). II a retrouvé plusieurs vœux du conseil municipal de Scaër émit, entre 1955 et 1966,pour que la voie ferrée de 1 mètre de large passe en voie normale (1.44 m) puis pour le maintien de « lorsque les menaces de fermeture se fit plus précises ». Le Conseil municipal de Scaër maintint jusqu’au bout son soutien à la ligne SNCF, même lorsque le combat sembla perdu. La nécessité de transborder les marchandises des wagons de la voie métrique à ceux de la voie normale et vice-versa, ainsi que le développement du transport routier entrainèrent la fermeture de la ligne Rosporden-Carhaix en juillet 1967 après 71 ans d’activité. 

La genèse de la voie-express Quimperlé-Quimper

Après la fermeture de cette voie ferrée, on pouvait espérer que des aménagements routiers permettrait à notre commune de poursuivre une évolution positive. Dans les années 50, la route nationale 782 traversait la commune et permettait de relier Paris via Le Faouët, Pontivy puis Rennes. A 13 km du bourg, la RN 165 passait à Bannalec : les transporteurs scaërois l’utilisaient pour atteindre Rennes via Lorient ou Nantes puis le sud de la France.
 H. Gilles :« Dans les années 1960  les  Directions  départementales  de  l’équipement  (DDE)  qui  dépendent  du  Ministère des transports étudient l’amélioration de l’axe Nantes Quimper. En 1968 se pose la question du tracé entre Quimperlé et Quimper assuré jusque-là par la Nationale 165. Deux solutions sont envisagées par  la  DDE   La première consiste dans le doublement de la Nationale 165 par une voie nouvelle avec contournement des agglomérations et la seconde en une voie nouvelle à caractéristiques autoroutières, plus proche de la côte. La première solution a les avantages d’être plus courte et moins chère mais elle ne règle pas le  problème  de  la  surcharge  de  la  nationale  783  qui  est  la  route  côtière  Quimperlé- Concarneau, très chargée par le trafic du transport de la pêche partant de Concarneau et par le trafic  touristique en été. Des travaux importants doivent donc être réalisés sur cette N 783. C’est pourquoi la solution proposée en final sera celle de la nouvelle voie autoroutière située entre la N165 ancienne et  la N783, en une version encore plus proche de Concarneau que le cas étudié au départ. Cette solution côtière permet de capter le trafic poids lourd Concarneau, Quimperlé vers Nantes et Paris en évitant les gros travaux sur la N 783. 

 

En  rouge, la RN 165 dans les années 1950 (Quimper-Rosporden-Bannalec-Quimperlé) . En bleu, la RN 783 (Quimper-Concarneau-Pont Aven- Quimperlé).  En jaune: le tracé de l'actuelle RN 165, plus proche du littoral que la RN 165 primitive. En vert : l'axe Scaër-Voie express , 20 km.

Cette solution est logique pour l’amélioration du trafic existant et à venir, ce qui est le travail de la DDE. Celle-ci dépend directement du ministère et il n’y a pas trace de l’intervention des politiques locaux à ce stade. La solution côtière a été proposée à l’intérieur de la DDE par l’ingénieur  B. Auffret  qui  a  su  la  vendre  à  l’ensemble  des  décideurs.   On peut toutefois remarquer que dans sa note comparative du 3 décembre 1968 Scaër n’ait pas été incluse dans les communes desservies par la RN 165, justifiant ainsi un peu plus facilement le tracé choisi. En juin 1969, le directeur de la DDE invite députés, sénateurs, conseillers généraux et maires concernés à une réunion d’information en lien avec le lancement du plan routier breton lancé par le général de Gaulle.  Scaër ne fut pas invité à cette réunion, ni le maire ,  ni  le  conseiller général, la commune n’étant pas considérée comme concernée, ce qui était géographiquement exact.
                            
C’est pourquoi la solution proposée en final fut celle de la nouvelle voie autoroutière située entre la N165 ancienne et la N783, en une version encore plus proche de Concarneau que le cas étudié au départ. Scaër, auparavant à 13 km de la nationale, va se retrouver à près de 20 km de la voie express et séparée  d’elle  par  la  traversée  de  Bannalec    Ce fut un  mauvais  coup  pour  son développement, comme pour celui des communes de l’intérieur. En effet, le développement industriel et commercial va se faire désormais le long  de  cet  axe, à proximité des échangeurs : Kerfleury, Kervidannou, Kerandreo, Kerampaou, Coat-Conq, etc…La mise en service de la voie express en 1984 a éloigné Scaër de la voie de communication principale de Quimper à Paris.

Comme dans un triangle des Bermudes

 Si sur le plan du trafic la solution côtière fut pertinente, supprimant notamment les problèmes   rencontrés par les camions  provenant de Concarneau  qui devaient traverser les bourgs de Trégunc, Pont-Aven, Riec  pour rejoindre la RN 165 à Quimperlé  on peut s’interroger sur sa valeur en terme de   développement  général  pour  la  Bretagne  intérieure.  En effet, un tracé  plus  éloigné  de  la  côte  sur l’ancien tracé de la N 165 aurait eu un effet positif sur les communes de l’intérieur comme Scaër, Guiscriff, Le Faouët… Sur le plan "technique", les motivations du choix du tracé actuel sont explicites. Ce que l'on ignore, c'est le poids implicite des "influenceurs" de l'époque pour un tracé plus proche de la zone côtière... Il eût fallu une volonté politique régionale pour un tracé équilibrant les atouts de la zone côtière et de la Bretagne intérieure... et une possibilité pour les élus de l’imposer, ce qui ne semblait pas évident  à l'époque compte tenu du pouvoir de la DDE ».


Depuis cette époque d’autres voies de circulation importante ont vu le jour autour de Scaër qui se trouve aujourd’hui à une vingtaine de kilomètres de l’axe Lorient -Quimper, 35 km de l’axe Quimper-Brest, 25 km de la RN 164 qui sera bientôt en 2 fois deux voies de Châteaulin à Rennes, à 20 km de l’axe Lorient Roscoff. Scaër est au centre d'un « triangle des Bermudes » dont l'évolution économique peut apparaître comme un déclin! 

 

Les distances à vol d'oiseau entre Scaër et les axes routiers le long desquels se fait essentiellement  le développement économique de la région. Scaër est au centre d'un triangle des Bermudes dans ce domaine.


Deux réflexions concernant le milieu des années 1990 de  pour conclure

-Lorsque la salaison Corler fut placée en liquidation judiciaire, elle fut convoitée par plusieurs groupes agro-alimentaires qui ne donnèrent pas suite car trop éloignée de la voie express.

-Lorsque Vincent Bolloré voulut développer une nouveau site de fabrication de film thermorétractable, il préféra Ergué-Gabéric à Scaër, malgré  les conditions avantageuses proposées par la commune de Scaër.Les propos du maire de l'époque illustre aussi la difficulté de faire venir des investisseurs créateurs d’emploi en Bretagne intérieure, loin de la voie express.« Force est de constater que les discours d'aménagement du territoire prononcés par tous les décideurs politiques se traduisent, pour les grands projets, de la même manière : le développement ou le déclin d'une localité comme Scaër les laisse indifférents... » 


 

Source principale :"Scaër, 1945-2000,Un demi-siècle de l’histoire, mouvementée,  de la plus grande commune de Bretagne " Henri Gilles, mémoire de maîtrise présenté en septembre 2004 à l’université Sorbonne Paris IV

 

 

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