Le bourg de Scaër à l'époque de Louis XIV

En 1793, Jacques Cambry (Voyages dans le Finistère présentait ainsi le bourg de Scaër « L’hiver, ce bourg considérable, offre l’aspect d’un marais impraticable. Presque toutes les maisons de Scaër sont couvertes de paille, incommodes et mal fabriquées, avec les plus riches matériaux, les pierres les plus belles. Les abords du bourg de Scaër, quand on y entre par la route de Gourin, sont très beaux mais ils présentent des dangers au voyageur y arrivant en voiture (allusion au passage du pont Lédan , peu large sans garde-fous)».

Ce plan du bourg date de 1818 . A la fin du XVIIe siècle, d'après  les papiers terreirs, le bourg devait se limiter autour de l'église et du cimetière (A). B: l'emplacement de la geolle et cohue( halle); C: le champ de foire;D: le manoir au pied de l'église; E: La longère ;F: Penker Navellou( terres de lavellou) ; G: "chemin conduisant du dit Stang Audren à Toyal" ;


Sur le même thème, Jean François Bousmiche  écrivit dans son ouvrage « Voyage dans le Finistère en 1829.1830.1831 » : « Une réunion assez considérable de maisons groupées autour de l’église. Elles forment plutôt une place dont l’église est le centre. Quelques-unes sont bien bâties, de récente construction, mais elles n’ont l’apparence de rue que sur la grande route seulement et la grande route est macadamisée et non pavée »..
 Ogée en 1843 décrit Scaër « comme un bourg important sur la route du Faouët à Rosporden ».
 Considérable, important : ces mots laissent à penser d’une grande extension des habitations autour de l’église. Tout est relatif : autour du cœur historique qu’était le carrefour des anciennes voies romaines de Riec à Carhaix et de Quimper à Rennes, les demeures se sont développées autour de l’église, avec des hameaux périphériques.

 
Il n’y a pas de photo ni de dessins correspondant à cette déception mais le cadastre napoléonien (1818/28) nous éclaire sur cette zone urbanisée. Pour savoir ce qu’il en était à la fin du XVIIe siècle (vers 1680), il faut compulser les papiers terriers de la sénéchaussée concernant les « descriptions et dénombrements  » et s’initier à la paléographie car la langue « françoise» de cette époque n’était pas celle d’aujourd’hui.  Au fil  d'une lecture (laborieuse et incertaine parfois) des  écritures manuscrites anciennes sur le bourg de la «  paroisse de Scaezre » nous constatons qu’il s’inscrivait dans un périmètre de 100 mètres autour de l’église, de Stang-Audren au bas de la rue de Kernabat, de Pors-Carnig à la rue Turquet, les maisons n’étant accolées qu’à proximité immédiate de l’église et du cimetière.

Scaezre sur ce document du 1681. Autre orthographe vue: Scair


 Quelques repères

Les repères géographiques de l’époque sont toujours présents. Ainsi pour le Manoir de Pennarun (angle des rues Pasteur et de Kerjégu- le manoir actuerl date de 1746)) :il était délimité « à l’oriant par un chemin menant du lieu de Stang Audren à Toyal, au midy sur le chemin qui mène dudit Stang Audren à l’église paroissiale du dit Scazre, du couchant sur le cimetière de la dite église( rue Jaurès), du nord sur le chemin qui mène de la maison de Guillaume Lavellou à la dite église ( Penker Navellou) » 


Ce qui suit peut correspondre à des terrains rattachés au village de Stang-Audren du côté de Croix-Sinquin :« De l’oriant par la rivière d’Izol, du midy sur le chemin conduisant du dit bourg au pont ledan, du couchant sur le placître du dit village et chemin conduisant du dit Stang Audren à Toyal, du nord sur les terres au dit Lavellou » . Oriant  = à l’Est, l’Isole ; Midy = au sud la rue Pasteur et la rue Bourvic ; à l’Ouest : la place du village de Stang-Audren et  le chemin de Stang Audren vers Toyal ; au nord = Lavellou est un  habitant qui a donné son nom  à Penker Navellou

 Autres repères pour une propriété voisine de la place de la mairie  « du couchant sur le chemin du dit bourg au pontigou Issilauff ( c’est la rue Le Hamp) et du nord du courtil dépendant de la maison de la geolle et au sieur du Cleuziou »


Pour une parcelle du coté de la halle des sports « du midy , chemin du dit bourg a queranflec’h, de l’occidant du terrain au dit Lavellou, et du nord sur la dite montaigne de Toyal..»

A :, l'Izol; B:chemin du dit bourg a queranflec’h;C:terrain au dit Lavellou,;D:montaigne de Toyal



Un pré fauchable du côté de Kérisole…. «prajou an gouret…. De l’oriant par la rivière d’Izol et pont ar Gouret, du midy et du nord d’un pré au dit guillaume Lavellou et du couchant sur le  Bief… du dit moulin du pont lédan»,
 Autre courtil nommé  liors an foire :« De l’oriant sur le courtil à chanvre dépendant de la geolle,( place Camille Boucher) du couchant sur le chemin menant du dit bourg au pontigou Issilauff ( rue Le Hamp) et du nord sur la place de la foire ( place de la mairie). Il s’agit d’un jardin qui devait être situé derrière la mairie».
Sur un autre écrit, il est question d’une délimitation «   de l’oriant   sur la place et marché au pain et du cuir, du midy sur la rue qui conduit de la halle et cohue du dit bourg, du couchant sur la place et marché  des chapeaux».

 Ci-dessous, presque tous les mots sont reconnaissables :"de l'oriant sur le ruisseau deau devallant de la source deSainte Candide au lieu de stang audren, et passant par le milieu dudit bourg,du midy par la maison de la geolle et cohue du dudit bourg, du couchant sur l'issue estante entre lesdits maison et jardin et la maison de rené flat..".

Ce ruisseau est visible sur le premier plan en haut de la page , à gauche et sous le cimetière

 Ci-dessous une propriété de l’actuelle rue Brizeux, près de l’église: «Du Midy sur le cimmettiere dudit bourg, du couchant sur le ruisseau devallant de la source de Sainte Candide audit bourg de Scaër  (au nord de l’église)».

Devenez paléographe et tentez de déchiffrer cet  extrait concernant une propriété  proche de  l'Ehpad. Elle est définie au nord par la rue Jaurès, à l'ouest par la place C. Boucher, à l'est par la rue des haras


GPS de 1680

Voici pêle-mêle quelques indications géographiques de ces documents de la fin du XVIIe siècle et leur correspondance actuelle.
Le Grand chemin menant du dit bourg à Quimper Corentin : c’est la route de Scaër à Rosporden , via Ty Men et Elliant.
Grand chemin qui mène dudit bourg à Coray  : A partir du bas de la rue de Kernabat
Chemin qui conduit du bourg au pont min : chemin qui traverse l'Isole sur un pont de pierres = la passerelle du Grandchamp. C’est le même que Chemin conduisant de Scaër à queranflech
Chemin conduisant dudit faouet audit quimper-tin : route du Faouët à Quimper via Elliant vraisemblablement

déclaration et dénombrement sur la commune d'Elliant

Chemin qui conduit dudit bourg dudit moulin de pont ledan : rues Pasteur et Bourvic. Date du moulin du pont :1656.
Le chemin qui mène « du dit bourg de Scaër à la chapelle de Nostre dame de Penguern » c’est  la rue Louis d’Or puis la route vers Kérédec
 De l’église paroissiale au dit Toyal : rue de Kerjégu et rue Louis d’or
 La montaigne de Toyal : l
a colline de Kervéguen
Fontaine Carnic :
à l’angle des rue Brizeux et C. Guillou  à Pors-Carnig. ancien patronage .
Chemin dudit Stang Audren à Toyal :
Du centre culturel au abords de la piscine via la rue de Kerjégu



Justice patibulaire de quatre post

 Y avait-il des fourches patibulaires au bourg? C'étaient "colonnes de pierre dotées d'une traverse de bois où les condamnés à la mort sont pendus et exposés à la vue des passants. Elles ne servent donc qu'aux supplices capitaux, dont les exécutions ne se faisaient autrefois que hors les villes. Seul le seigneur Haut Justicier a le droit d'avoir des fourches patibulaires (ou gibets), puisqu'il a le droit de condamner un criminel à mort. À l'égard du nombre des piliers des fourches patibulaires, il y en a à 2, à 3, à 4 ou à 6, selon le titre et la qualité des fiefs qui ont droit d'en avoir. Les simples seigneurs Hauts Justiciers n'ont ordinairement le droit d'avoir que des fourches patibulaires à 2 piliers, s'ils ne sont fondés en titre ou possession immémoriale. Les fourches à 3 piliers n'appartiennent de droit qu'aux seigneurs châtelains; celles à 4 piliers n'appartiennent qu'aux barons ou vicomtes ; celles à 6 piliers n'appartiennent qu'aux Comtes". Source : "La justice seigneuriale et les droits seigneuriaux" de Claude-Joseph de Ferrière. 

 Les fourches patibulaires étaient en général placées sur une hauteur, hors des villes, bourgs et villages, et ordinairement près d'un grand chemin et dans un lieu bien exposé à la vue des voyageurs afin d'inspirer au peuple l'horreur du crime. A Scaër, sur la carte Cassini du XVIIIe siècle, elles sont situées en bordure de la route de Dour Gaon . Il  est peu vraisemblable qu'il y en ait eu d'autres  au bourg même. L'expression "Justice patibulaire de quatre post"  indiquerait plutôt le tribunal. Le " lieu patibulaire" étant situé route de Dour-Gaon

Cohue, maison de geolle  et prison: C'est l'actuelle place C. Boucher qui a " issue avec la place de  de la foire". Robert du Louet, seigneur de Coatjunnal  détenait la châtellenie de Trévalot et Kervéguant et avait droit de justice : il tenait audience  chaque samedi 

 

De nombreux documents attestent que les propriétaires de Kervégant et Trévallot exercèrent leur droit de justice du XVI au XVIIIe siècles. Kervégant et Trévallot furent unies et érigées en châtellenie en faveur de Vincent Le Borgne de Lesquiffiou par des lettres-patentes données au mois de juin  1665.  La châtellenie fut vendue, en 1771 , par Charles de Montmorency  à Jean-Joseph Euzenou de Kersalaun, conseiller au Parlement, qui obtint en  qu'elle fut transformée en marquisat sous le nom de Marquisat d'Euzenou .

Un rentier du XVIIe siècle évaluait  le revenu total de Kervégant et Trévallot à 4.185 livres; le greffe était affermé 90 livres, la charge de procureur fiscal produisait 75 livres et celle de sénéchal, 90 ; en outre la geôle et la halle étaient louées 92 livres. En 1758, le greffe ne donnait plus que 50 livres. Le ressort de ce tribunal qui siégeait à Scaër comprenait des portions de Scaër et de Tourc'h.



Sources :Geneawiki. les registres  P1559, P1565,P1566,P1567 ; Bulletin de la société archéologique du Finistère 1911 p 273.



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