Une enquête agricole sous le Second Empire



Un décret impérial du 28 mars 1866 annonçait l’ouverture d’une enquête agricole dans toutes les communes des Départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et d'Ille-et-Vilaine, « avec invitation à toute personne qui voudrait présenter ses réclamations ou ses  vœux de se faire inscrire à la préfecture ».

Blé noir, seigle et avoine

Pour l’arrondissement de Quimperlé dont faisait alors partie notre commune, le rapporteur de cette enquête était M. Sauvage, directeur de l’école d’irrigation du Lézardeau. Cette enquête révèle les grandes fermes de 60-80 hectares représentent 1/6 des exploitations, les fermes moyennes: la moitié et les petites exploitations de 10-15 ha : le tiers. Une bonne partie des exploitations sont louées par des propriétaires fonciers ( Familles de Kerjégu, De Legge, De Guernisac...) aux exploitants agricoles, parfois sous le régime du domaine congéable (*). 
Cette enquête annonce que les prairies naturelles représentent 10¨% des surfaces agricoles, les cultures et prairies : 6%. Le reste est constitué de landes et de friches. A Scaër on pratique l’assolement triennal basé sur les cultures de blé noir, seigle et avoine. Suivent six années de pâturage pour que les terres retrouvent leur fertilité. " Jamais les fumiers de ferme ne suffisent, il faut toujours avoir recours aux engrais supplémentaires : composts de landes, de feuilles, de genêts, mélangés avec le fumier. Les phosphates et le guano commencent à être utilisé après l’arrivée du train. Les Scaërois se ravitaillent en gare de Rosporden " .

A gauche, photo aérienne de 1950 :les traces de ferme expérimentale de Ménez Ruz Lan ( Miné-Rulan) ayant appartenu à François de Kerjégu.
A droite: Le site est occupé aujourd'hui par le dépôt de matériaux de construction Guéguiner


Le progrès par l'instruction

François de Kerjégu conseiller général du canton de Scaër et président du comice agricole a également fait un rapport lors de la séance de la commission d’enquête départementale du 27 septembre 1866. Il
"L'agriculture est en voie de progrès depuis quelques années. En moyenne, le fermier a gagné ; il paye bien l'impôt; il paye ses fermages, sauf des cas imprévus et exceptionnels. Ces deux preuves indiquent que l'état actuel des choses est satisfaisant.
La richesse mobilière s'accroît sensiblement depuis quinze ans. Les cultivateurs achètent les deux tiers des propriétés rurales ; ils empruntent parfois pour payer, mais ils acquittent toujours leurs dettes.
Le Comptoir du Finistère, établi à Brest, reçoit en compte courant ou en dépôt des sommes qui, aujourd'hui, dépassent plusieurs millions, et l'intérêt est descendu aujourd'hui de 3 à 4 p. 0/0. Tous ces dépôts proviennent de la campagne. Cet établissement a pour but de faciliter le commerce. Autrefois il recevait l'argent des rentiers, il n'en reçoit plus beaucoup aujourd'hui. Les campagnards presque seuls viennent y déposer leur argent, l'y laissent et renouvellent souvent.
Ces faits suffisent pleinement pour prouver l'état convenable de l'agriculture. Partout où pénètre l'instruction agricole, il y a progrès. A la tête du progrès se trouvent à Scaër un certain nombre de jeunes gens sortis de la ferme-école départementale (Trévarez). Ils ont transformé l'assolement triennal, ont cultivé le chou branchu, le trèfle, etc. et ont obtenu des résultats très-satisfaisants ».
 
1.000 francs de revenu... pour le propriétaire-foncier 
 
Un bilan jugé positif  pour indiquer que le pays de Scaër progresse. Mais il faut lire entre les lignes  pour y entrevoir des nuances  avec les mots " satisfaisants...convenable".
Pour illustrer  ce rapport, l'enquête présente une exploitation de 30 hectares en fermage(18 ha de terres labourables, 4 ha de prés et 8 ha de landes ou terres froides). Ce document est présenté comme étant "une ferme d'un revenu de 1.000 francs": il faut comprendre qu'elle rapporte 1000 francs à son propriétaire-foncier, sans doute M. de Kerjégu lui-même. Un franc de 1850 était égal à 3,27 euros d’aujourd’hui.
Cette exploitation emploie six personnes depuis le "premier garçon", c'est à dire le premier domestique " mevel bras " en breton jusqu'au pâtre " paotr saout" qui garde les vaches.
 Concernant les données chiffrées, on remarquera que les dépenses sont légèrement supérieures aux recettes. Prix de ferme : c'est le loyer que paie le fermier locataire.et la dépense la plus élevée. Les recettes principales :  vente des céréales et des bœufs
Le rapport de M. de Kerjégu est illustrée par cette intéressante  analyse financière concernant une ferme de 30 ha de la commune


 Cette enquête "politique" optimiste, à replacer dans son époque, ne semble pas exhaustive : elle fait l'impasse sur  les petites fermes de  moins de 10 hectares qui existent bel et bien sur la commune mais qui sont moins valorisantes à présenter dans une enquête nationale. On peut comparer le compte-rendu de cette enquête à celle qui fut réalisée en 1943 à Keranguen par  le Musée national des arts et traditions populaires.

François de Kerjégu créa en 1842 une ferme expérimentale sur ces terres de Menez Ruz Lan, sous la direction d'un élève de l'école supérieure agronomique de Grignon. Il y fera des essais d’amendement en y "introduisant du calcaire de la Loire".  Une source locale( non vérifiée) prétend qu'elle aurait pu devenir un lycée agricole mais ce dernier s'est  fait finalement à Bréhoulou  à Fouesnant. Les bâtiments de Miné-Rulan ont été rachetés par Laurent Cariou pour y créer  un dépôt de matériaux de construction: ce fut le début de l'actuelle zone artisanale et commerciale de Miné Rulan.

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(*)Un propriétaire (ou « foncier ») cède, moyennant une rente convenancière annuelle, la jouissance d'une terre à un preneur (ou « convenancier »), qu'il peut à tout moment congédier ; mais le preneur est considéré comme propriétaire des « édifices et superficies » (bâtiments, fossés, plantations), préexistants ou créés par lui, et la valeur devra lui en être remboursée lors du « congément".

 
Source BNF : lancer  une recherche sur le  mot " Scaër" et "Panthéon de la Légion d'honneur" de T. Lamathière.

 

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