Roger Stéphan, concierge de la Trump Tower


Il y a 60 ans, de nombreux bretons de Gourin, Guiscriff, Scaër ont émigré vers les Etats-Unis, New-York en particulier. Le Scaërois Youenn Gwernig est le plus connu médiatiquement, celle de "John" Le Gall, ouvrier agricole de Tymoter devenu ingénieur dans la Silicon Valley, est une véritable Success Story. 
Roger Stéphan, décédé en  juillet 2019 à New-York, nous a confié quelques aspects d'une vie trépidante passée à New-York.

Ayant quitté l'école à 13 ans et demi, il a appris le métier de boulanger puis s'est formé à la pâtisserie après son service militaire. Lors d'une partie de chasse, un ami travaillant à New-York l'incite à le rejoindre. Sa mère lui a dit " Tu as 23 ans, c'est ta vie" et il part pour 3 ans en principe mais y vivra jusqu'à sa mort en 2019.

Roger Stéphan durant un séjour à Kérancalvez

De la salle au bar


Deux jours après son arrivée, il trouve une place dans un restaurant tenu par un Roudouallecois et débute une aventure professionnelle trépidant avec plusieurs emplois temporaires au départ. " J'ai d'abord étés Boss-boy, mettre les tables, apporter de l'eau. Neuf mois plus tard, j'étais garçon dans un restaurant italien pour prendre les commandes et servir les poissons. J'ai appris à couper le jambon ". Il poursuit sa formation dans une boite de nuit, "on travaillait jusqu'à 3 h du matin"; il apprend à faire des cocktails, fait le service en salle, travaille dans un bar avec John Le Gall (qui sera son garçon d'honneur) puis d'autres établissements encore: Le Tunnel, Le Brittany, Le Paris-Brest, Le Dauphin. C'était l'époque où la main d'œuvre bretonne était très sollicitée pour son ardeur au travail.

Chef d'entreprise puis concierge

La Trump Tower
Par la suite, Roger s'associe avec le cuisinier Yvon Guillou de Leuhan pour avoir sa propre affaire " Mon Paris", entre Central Park et Lexington . " On m'a dit qu'il n'y avait pas un chat le soir dans la rue dans ce secteur. Un mois plus tard, on faisait le plein avec notre cuisine française: canard à l'orange, homard à l'armoricaine et même la bouillabaisse, ce qui a surpris des Marseillais de passage. On avait trois étoiles après trois ans d'exploitation. Yvon était à la cuisine, je m'occupais de la réservation et du bar… A 62 ans, j'en ai eu assez, je travaillais de 9h jusqu'à 23 h, tous les jours. J'ai vendu mon affaire et j'ai retrouvé un travail plus calme, de 9h à 17h, comme concierge dans la Trump Tower, 80 étages dans la 56e rue. J'y suis resté 5 ans. En bas il y avait quatre étages de magasins, de restaurants, puis des bureaux, des appartements. Je renseignais les gens sur les magasins, les hôtels, les cinémas. Je voyais Donald Trump, accompagné de garde-corps, quand il passait pour prendre l'ascenseur près de mon bureau. On s'est retrouvé une fois ensemble au bureau de vote. Quand j'ai voulu partir, à 67 ans, il m'a dit que j'étais trop jeune pour me retirer et qu'il avait un autre travail pour moi si je voulais. Mais quand il manquait quelqu'un on m'appelait pour le remplacer. Donald Trump et sa femme ont pris plusieurs fois l'ascenseur avec moi".

 11 septembre : j'ai cru que c'était un film à la télé

 

Roger se souvient de l'ambiance qui existait au sein de la communauté bretonne autrefois: "On jouait aux boules en parlant breton entre nous… J'ai connu Youenn Gwernig dans le Bronx… Il n'y a plus beaucoup de Bretons qui viennent maintenant: il n'y a plus que des anciens et des veuves. Maintenant ce sont les Portoricains et les Mexicains qui viennent ".

Il se rappelle aussi de l'attentat du 11 septembre 2001:" On a mangé là-haut peu de temps avant. Quand j'ai vu ce qui arrivait à la télé, j'ai cru d'abord que c'était un film". Roger avait un appartement à 5 minutes de Central Park :" J'ai un fils et une fille qui vivent à Atlanta et quatre petits-enfants".