John Le Gall. De Tymoter à la Silicon Valley


Il y a 50 ans, de nombreux Bretons de Gourin, Guiscriff, Scaër ont émigré vers les Etats-Unis, vers New York en particulier. Ils travaillaient surtout dans la restauration : le cultivateur s'improvisait chef cuisinier après avoir lu quelques recettes dans un livre ! Le Scaërois Youenn Guernig en est l'exemple le plus connu. 

Mais l'épopée d'un autre Scaërois, Jean Le Gall, représente aussi bien le « self made man ». De retour d'Indochine où il servit trois ans dans l'Armée française, Jean Le Gall se retrouva à Scaër, à Tymoter Vras face à une ferme de 25 ha morcelée qui rendait toute culture et tout élevage difficilement rentables. Face à des perspectives d'avenir plutôt inquiétantes, il décida un an après son retour de faire une demande de visa pour les États-Unis. Il fut aidé par un voisin du village qui travaillait dans la cuisine d'un restaurant français de New York. Par un mois de novembre froid et pluvieux Jean Le Gall débarqua dans la Grosse Pomme. Des amis bretons l'aidèrent à obtenir le document le plus important pour toute personne résidant aux États-Unis, un numéro de Sécurité sociale. 

Cinquante dollars en poche...

Deux urgences immédiates : se nourrir et se loger; une troisième, apprendre la langue du pays, pouvait attendre. Entre deux coups de torchon, « John » Le Gall s'attaque à la langue : cours pour les étrangers, matin, midi et soir, entre deux jobs, les week-ends; lecture et dictionnaire. « De toute façon, on pouvait, comme les Italiens, jouer des mains et des bras pour se faire comprendre ». 


John Le Gall, à gauche, a écrit des ouvrages techniques sur les circuits intégrés.

Avec les futurs fondateurs d'Intel


Au bout de trois ans, ses connaissances en anglais lui permirent d'oser travailler comme garçon de café. « Ne parlons pas des bêtises initiales : mélanger les plats ou les boissons, passer des commandes incorrectes; servir un scotch au lieu d'un bourbon ». Au bout de quatre ans, Jean fit le bilan de ses connaissances linguistiques, et s'inscrivit dans une école préparatoire à l'université. Il fut accepté - ô surprise - et commença deux années de cours intensifs « où la moyenne minimum acceptable des notes était de 75 % ». Il n'était pas un cancre du temps de sa scolarité scaëroise à Saint-Alain mais là-bas il fit merveille ! Une fois ces cours accélérés finis, il passa son examen d'entrée à l'université de New York. Et à 32 ans, Jean Le Gall commença un cycle de quatre années d'étude à l'issue duquel il obtint son diplôme en physique des solides. Les entreprises venant sur le campus rencontrer les nouveaux diplômés, il reçut une offre de travail de chercheur à « Transitron Electronic Corp » près de Boston, qu'il accepta.

 

Un extrait de la revue " Dalchomp Sonj ,été1985


Deux ans plus tard une offre avantageuse vint de Fairchild Semiconductor à Palo Alto en Californie. Il travailla dans la division « Recherche et Développement » en compagnie de Noyce, Grove, et Moore, futurs fondateurs d'Intel et plus tard en « Production et Management ». Après quatre ans de cours du soir, Jean décrocha sa maîtrise en « Solid State Electronics ».


John Le Gall en 2004

Chevalier de l'Ordre national du Mérite

Un collègue et ami travaillant lui aussi à Fairchild avait démarré en 1966 une section des Ingénieurs et Scientifiques de France, société basée à Paris. Au bout d'un an, l'ami prit un job en France et demanda à Jean de prendre la section en mains. Il fut le président du groupe d'une centaine d'ingénieurs pendant 25 ans, organisa cinq dîners-conférences par an ainsi que d'autres sujets de rencontre. Le travail de Jean Le Gall fut reconnu par le gouvernement français qui le fit Chevalier de l'Ordre National du Mérite en 1975. Après vingt ans à Fairchild, John Le Gall prit un job à Philips Semiconductor dans la ville à côté. Finalement, il prit sa retraite à l'âge de 73 ans  . Il est alors devenu guide, un jour par semaine, dans un musée d'aviation près de San Francisco. Il est décédé le 6 janvier 2022 à l'âge de 97 ans.

  Success Story

 John Le Gall s'est retiré  à Palo Alto, le berceau de la Silicon Valley, près de San Francisco. Son épouse, professeur de français, a monté l'école de l'Alliance Française de Palo Alto dont elle fut la directrice pendant plus 35 ans. Carole, la fille aînée, a une maîtrise en Ingénierie Mécanique et est "technical advisor" auprès de la "Nuclear National Security Administration" à Washington. Annick a un doctorat en Biologie Cellulaire et est "Director of Business Development" à Becton Dickinson, une entreprise médicale et pharmaceutique à San Diego.