L'origine de la Mi-Carême


Jeanne Neuilh, l'égérie de la première mi-carême

" Un soir d’hiver à Scaër, en 1923, une femme, exilée de son midi natal dans les brumes de Bretagne, parle avec nostalgie du carnaval qui se prépare là-bas sous le joyeux soleil. Ils sont là, plusieurs gars, qui l’écoutent : son mari, Charles Burel et quelques amis prenant le verre de l’amitié au retour d’une partie de chasse. Tous se regardent : pourquoi ne pas faire autant à Scaër ?
Leur décision est prise : première réunion chez Jos Guernic dont on vient de construire la salle de danse. La mi-carême est née : elle a pour parrain Charles Burel, Louis Guillot, Jean Lidec, Fanch Lagadec, Corentin Heurt, Francis Bec, Henri Rostrenn , Jos Guernic .
.."

Ce texte aux accents épiques, écrit vers 1955 par le journaliste Eugène Donal, a maintes fois été repris pour évoquer la genèse de la cavalcade. Mais cette méridionale exilée à Scaër est restée longtemps une énigme. Elle s'appelait Jeanne Victorine Neuilh, était femme de chambre, née à Lourdes le 12 mars 1899 et avait épousé le 14 juin 1921 à Paris XVIe notre compatriote Charles Burel. Deux enfants, Hélène et Henri, sont recensés sur le registre de naissances de la commune de Scaër en 1924 et 1927.

Photo prise en 1946 chez Reine Burel ( Mme Francis Ollivier). De gauche à droite : "Tante Jeanne d'Amérique, Tante Marie de Scaër, cousine Reine, oncle Henri de Scaër, cousin Henri fils de Charles Burel d'Amérique, Henri Burel de Rosporden".  La tante Jeanne est Jeanne Neuilh. Tante Marie est la mère de Reine et Henri de Scaër, son père. La chaise vide est celle de Charles Burel. Henri Burel est le père de Marie-Madeleine Le Bihan.
Sur la table on remarquera, une grosse boite de cooked ham américain ( jambon cuit) et une bouteille de vin roue Salambo (Tunisie) Lors de son séjour en France, Jeanne avait aussi rendu visite à sa famille lourdaise, offrant un ballon de rugby à un neveu Marc, selon le témoignage de ce dernier.


 

La date du premier défilé

Un char de la Mi-Carême de 1927 
 
"Il neigeait lors de la première édition, le dimanche précédant la foire des Vieilles début mars" poursuit le journaliste . Cette fête quimperloise se déroule le dimanche de la Passion, 15 jours avant Pâques soit  le 18 mars en 1923. Selon toute vraisemblance la première Mi-carême aurait eut lieu le 11 mars 1923. Hypothèse plausible puisque la mi-carême tombait cette année-là le 8 mars même si des échos concordants de la presse de cette période indique 1925 pour les débuts officiels du carnaval scaërois, pour des raisons que nous ignorons encore malgré nos recherches.

 Le carnaval de Lourdes

Charles Burel , né le 8 août 1898 au bourg de Scaër était monté à Paris pour exercer la profession de pâtissier. Il y passa le conseil de révision et fut mobilisé du 16 avril 1917 au 22 mai 1920. Le grenadier, titulaire de la Croix de guerre, revient alors en Bretagne. Quant à la famille de son épouse, elle est originaire de Lourdes. " Le carnaval qui se prépare là-bas sous le joyeux soleil " auquel fait référence Eugène Donal est donc celui de cette ville ou de Bagnères de Bigorre ou d'Argelès Gazost.


 
Actes de naissance.


La famille émigre aux Etats-Unis en 1929

Le couple émigra aux Etats-Unis en 1929. Sur le registre de recensement de New York en 1940, Jeanne et Charles ont tous deux la profession de « pastry chief », soit chef pâtissier à New-York où ils exploitaient une pâtisserie réputée de la 6e avenue. La famille s’est installée ensuite dans le New Jersey. Ils ont été naturalisés Américains en février 1938. Les archives du site des Mormons font état de plusieurs voyages en bateau vers la France dans les années 50.

Dès 1940, la famille Burel s'est engagé eaux côtés du général de Gaulle
dans le comité de Français Libres de New-York

Jeanne et Charles en 1971



Henri et Hélène les enfants du couple



 En 1947, Hélène a épousé William Crawford, vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Sur son avis d’obsèques, avec une photo et daté de 2013, il est fait mention de trois enfants : Kathleen, Ronald et Michèle.

Hélène était la fille de Jeanne et Charles. Cet avis mortuaire évoque la vie de ses parents

Charles Burel est à gauche




Chasseur de loutres

Charles Burel était aussi un chasseur de loutre réputé entre les deux guerres. Une peau de loutre de belle taille et bien préparée pouvait se vendre jusqu’à 300 francs pièce (une cinquantaine d'euros) la pièce, soit l’équivalent du salaire mensuel moyen d’un commis de ferme. Charles Burel chassait avec son frère Henri, photographe et Louis Le Bourhis de Carhaix photographe. Selon le témoignage de ce dernier, dans les années 60, Charles revenait l’hiver des USA, en avion, jusqu'à l'aérodrome de Guiscriff- Scaër pour chasser la loutre avec André Le Gall. Il a écrit un article dans " La pêche illustrée" de février 1950 sur "la chasse à la loutre aux chiens courants dans le Morbihan", se qualifiant de "délégué du fishing club de France à New-York". 



  La grotte et le carnaval

En 2019, des  recherches ont été faites pour trouver une photo de Jeanne Neuilh et la placer sur une plaque commémorant le centenaire de la cavalcade, en 2023. Un appel a ainsi été lancé dans l’édition lourdaise de la Nouvelle République des Pyrénées, le 25 juin. « Il est de notoriété publique que les répliques de la Grotte de Lourdes se comptent en milliers dans le monde », est-il indiqué. « Il est toutefois moins connu que des festivités  lourdaises ont été répliquées ailleurs en France. Pourtant, dans les années 1920, une Lourdaise a créé un carnaval en Bretagne inspiré des fêtes locales. Aujourd’hui, celui-ci est l’un des plus fréquentés de cette région».
L’appel a reçu la réponse de Marc Neuilh, un neveu de Jeanne, qui l’avait revue en 1946 - « Elle m’avait offert un ballon de rugby » - puis de Pascal Neuilh, un de ses petits-neveux. Mais pas de photo. Des recherches ont aussi été menées outre-Atlantique auprès de la famille et de l’Amicale des Bretons de New York. Sans résultat pour l’instant… Mais tout espoir n’est pas perdu de part et d’autre de l’Atlantique, afin de mettre un visage sur le nom de Jeanne Neuilh, avant 2023,centenaire de la cavalcade. Il restait aussi à explorer la piste familiale bretonne…

 Tout vient à point à qui sait attendre

 Additif  février 2025 :Mettre un visage sur le nom Jeanne Neuilh considérée comme l’égérie de la Mi-Carême, devenue cavalcade puis Carnaval à l’Ouest était une gageure lancée en 2019 sans aboutissement immédiat malgré de multiples recherches dans la région  de Lourdes d’où elle était originaire, aux Etats-Unis où vivent ses descendants ou dans la proche famille.

 En février 2025, c’est à Rosporden, dans la collection de photo de famille de sa petite-nièce, que figurait plusieurs photos de Jeanne Neuilh et de son mari Charles Burel. La plus ancienne a été prise en 1946 chez Reine Burel (Mme Francis Ollivier) rue Zola, dans la maison où l’idée de reproduire à Scaër les carnavals méridionaux fut émise. "Tante Jeanne d’Amérique": c'est ainsi qu'elle désignée Jeanne Neuilh assise à gauche de la photo en haut de cet article.

La photo originale de 1946


Une autre photo du couple est  datée du 14 juin 1971. Au dos, il est mentionné que Jeanne est décédée en 1977 et Charles en 1993 . Un siècle après le lancement officiel de la Mi-Carême en 1925, l’idée d’apposer une plaque commémorative rue Zola illustrée de cette photo serait un geste concret en lien avec la démarche de patrimonialisation de la mythique fête scaëroise. Et pourquoi pas une rue ou place scaëroise dénommée 

 Jeanne Neuilh,

1899-1977

  Égérie du premier carnaval scaërois

 

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