An Toullig Du


Dans les albums à photos, nous rencontrons parfois un cliché jauni par le temps représentant nos grands-parents. Leur visage et leur costume ont pu passer à la postérité à cause des photographes ambulants qui, de ferme en ferme, s'en allaient par la campagne pour « tirer les portraits ».
La famille Démézet  avant la guerre 14-18

Quand le photographe ambulant arrivait en charrette trimbalant un poids appréciable de matériel, les villageois mettaient leur plus bel habit de velours, les villageoises se paraient de la coiffe de fête. La famille se dirigeait ensuite vers le verger voisin ou le photographe plaçait les gens : les parents derrière, la mère tenant le dernier-né sur le bras, les enfants devant, par ordre d'âge. S'il vivait encore le « Tad-Koz » occupait la place d'honneur assis au centre.

Une bâche sert de décor pour cette photo de famille



On raconte du côté de Kerandreau  que le photographe se faisait appeler « Toullig-Du » car avant de déclencher l'obturateur, il disait « sell 'ta d'an toullig du » : Regarde donc le petit trou noir, l'oiseau va sortir). Ce photographe était venu à Kerandreau un dimanche et avait photographié toutes les familles. Chacun étudiait la façon qu'avait son voisin de se tenir devant l'appareil. Le photographe ambulant officiait aussi les jours de foire. Dans ce cas, les gens posaient devant une bâche accrochée aux brancards d'une charrette.




Anecdote amusante : un homme d'âge mur et au front dégarni avait dû mettre du... cirage sur son crâne luisant car les reflets du soleil sur ce dernier aurait empêché le petit oiseau de sortir du « toullig du ». Tout le monde avait bien ri et le cidre avait coulé à flot pour arroser l'événement.

 

Photo du lutteur Christien ( XIXe siècle)


Photo du zouave Yves Simon mort au combat en 1915


L'usage de se « faire tirer son portrait » se répandit au cours de la Grande Guerre. Le mari, le fils ou le frère qui combattaient sur le front recevait par le vaguemestre une carte postale de ceux qui vivaient au pays.Et la famille conservait pieusement la photo du père, du mari, du fils en uniforme

 Beaucoup de ces clichés ont été égarés mais ceux qui ont échappé à l'épreuve du temps font souvent l'objet d'agrandissements et de retirages. Et les petits-enfants admirent la mine fière de leurs ancêtres, le joli minois de la grand-mère quand elle avait dix ans, l'ai grave du grand-oncle scrutant le toullig du, dans l'espoir de voir le petit oiseau sortir.




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