Louis Jean René Le Cras a défrayé la chronique locale au milieu de la seconde guerre mondiale. Surnommé « Le caïd rouge » (*), il est dépeint tour à tour comme un voyou ou comme un patriote. On l’accusait de voler dans les fermes pour son profit mais aussi pour ravitailler les Résistants. Rusé, Le Cras échappa plusieurs fois aux recherches et aux embuscades tendues par la gendarmerie. Aristide Toupin : « Il s’était fait une cabane couverte en tôle dans les landes de Rosbic où il y avait une exploitation de tourbe. Les gendarmes étaient au-dessus de lui mais ne l’ont pas trouvé ». Retour sur ce dossier à partir de documents d’archives.
La bourse ou la vie
Arrêté pour vol de bicyclette François J… révéla le 11 novembre 1943 à l’inspecteur Le Goff de la sureté nationale de Quimper, les faits suivants : " Louis le Cras est employé comme forgeron chez Alain Le Bihan au village de Loge Brout en Scaër il n'est pas assidu au travail et cependant il est toujours en possession de forte somme d'argent Je le sais en possession d'un pistolet automatique avec chargeur point je fais en outre qu'il a dérobé dans la forêt de Coat loch une caisse de munitions contenant des cartouches de pistolet. Il s'est embauché en février 43 pour une semaine chez les autorités allemandes afin de repérer les dépôts de munitions. Cette caisse il l'a enfouie au pied du talus dans un petit champ derrière sa maison . Le Cras s'est flatté d'avoir opéré chez les « collaborateurs » au village de Coat Forn et dans un autre village près de la gare de Coat-Loc’h. Il se présentait la nuit dans les fermes le visage masqué par un foulard noir en criant la bourse ou la vieIl est également accusé de ramener de Gourin ou Coray des papiers communistes qu'ils glissaient la nuit sous les portes "
Une embuscade
Suite à cette dénonciation, Le Cras qui logeait dans des lieux différents , est repéré chez un oncle demeurant au bord de la route de Scaër-Rosporden, peu après la gare de Locjean.
Le rapport du lieutenant de gendarmerie Jamet commandant de la section de Quimperlé, détaille la suite : « Le 23 décembre 1943 à 7h15 au cours d'une embuscade à terroriste a été grièvement blessé par balle par un gendarme au hameau Kerlan en Kernevel.
De nombreux attentats à main armée ont été commis au cours des derniers mois dans la région de Scaër et Bannalec. L’auteur soupçonné était le Cras Louis ,18 ans ,de Scaër individu très dangereux et toujours armé. A la suite d'une enquête il a été prouvé qu'il passait quelquefois la nuit chez un vieil oncle au hameau de Kerlan en Kernevel.
Le 23 décembre au matin une embuscade a été tendue autour de la maison. Quand l'adjudant commandant le détachement a pénétré dans la maison à 7h, Le Cras qui couchait dans un grenier au-dessus d'une étable, est sorti par une porte que les gendarmes ne connaissaient pas. Un gendarme sur qui il marchait lui a fait les sommations. Le Cras continuant, le gendarme a fait feu et l’a blessé de quatre balles une à la tête une au bras gauche deux à la poitrine. Quelques instants après il a été soigné par un médecin de Rosporden puis transporté à l'hôpital de Quimper où il est décédé».
La presse locale reprend le rapport de gendarmerie |
Le rapport du commandant de brigade ajoute les éléments suivants : "Dans les poches de son veston, nous avons découverte deux pistolets non chargés… Nous y avons découvert quatre balles de pistolet de calibre 7,65 mm ainsi que plusieurs écrits "Le Caïd rouge". Sur l'un de ces écrits figure une liste de plusieurs commerçants et fermiers de la région qui ont été récemment cambriolés."
Les échos de cette affaire dans la presse nationale |
Cette affaire eut un retentissement national avec des échos dans la presse parisienne. Considéré tantôt comme un bandit de droit commun, tantôt comme un patriote militant, il a vraisemblablement également soutenu la Résistance en fournissant aux maquisards nourriture et/ou argent ainsi qu'en distribuant des tracts.
(*) : Allusion à un roman éponyme paru en 1926 ou à un tableau? L'adjectif "rouge" renvoie pour Louis Le Cras à ses sympathies communistes.
Sources: Archives de la sureté nationale et de la gendarmerie. Facebook " pôle Jean Moulin"