Cascadec. La loi des 8 heures appliquée en 1924

 

Lundi 14 janvier 1924  vers deux heures du matin, l'équipe de nuit cessa le travail à la papeterie Bolloré à Cascadec. Le gardien en rendit compte immédiatement au contremaître, René Rannou qui se leva pour venir voir ce qui se passait. Quand il se présenta devant les ouvriers, Henri Jégou, bobineur, exposa au nom de ses camarades la raison pour laquelle le travail avait cessé : ils réclamaient une augmentation de salaire.

Ancien «moulin à papier», l'usine a d'abord été louée en 1893 par  la famille Bolloré  puis achetée en 1917. L'usine de Cascadec a commencé la production du papier à cigarettes  en 1900 : elle en fabriquait 20.000 Kg/mois en 1917. C'était le papier OCB pour Odet Cascadec Bolloré .
(Photo aérienne du 12 octobre 1929 colorisée ).

Entrave à la liberté du travail

  René Rannou lui répondit que ce n’était pas à lui qu’il fallait s’adresser pour cela. Sur ce,Henri Jégou le renversa sur une table. Ses camarades  Jean Rouat, Louis Diamant et Henri Gaillard lui crièrent « Ne frappe pas ».  Le lendemain ,  le chef d'entreprise ,René Bolloré, averti par M. Rannou de ce qui venait de se passer, arriva sur les lieux vers 11 h 30.  Il rassembla le personnel (32 ouvriers selon l’Union agricole ???) puis  il se rendit à Quimperlé et s'en alla porter plainte. Le Procureur de la République fit immédiatement mettre en état d'arrestation, sous l'inculpation d'entrave à la liberté du travail, Henri Jégou, qui fut conduit à Quimperlé, menottes aux mains, entre deux gendarmes.  Quelques jours plus tard, le tribunal condamna Jégou à 15 jours de prison avec sursis pour violences et voies de fait mais ne retint pas l’entrave à la liberté du travail.

 Extrait de "La dépêche de Brest"


8 heures de travail, 8 heures de loisirs, 8 heures de sommeil

 
L’Écho de Bretagne, journal républicain, commenta l’incident mettant en avant les arguments des ouvriers « A Cascadec, les ouvriers travaillaient 12 heures pour le prix modique de 14 francs. Est-ce régulier d’imposer pour un salaire aussi réduit une quantité aussi importante d’heures de travail quand la loi en fixe le maximum à 8 pour le même salaire a des ouvriers contraints et forcés à prêter leurs bras à la seule industrie locale ? »
L'Union agricole, journal conservateur, apporta des précisions  plutôt favorables au chef d'entreprise. Lors de sa venue à Cascadec " M. Bolloré  pria ceux qui n'étaient pas content de s'en aller. Dix obtempèrent dont Jégou qui menaça de l'arrivée  d'un missionnaire de la bourse du travail de Brest..Ce Jégou  qui  compte  trois  ans  de  service  à  l'usine avait  été  renvoyé  il  y  a  six  mois,  puis  repris sur  ses  instances  et  celles  de  sa  famille... Repris par  charité, il avait, en dépit de cela,  été chargé par ses camarades de présenter des revendications...Nous  n'avons pas  pas  à  contrôler  les  contrats  de  travail  passés entre  M. Bolloré  et  ses  manœuvres.  Il  ne  s'agit point  ici  d'ouvriers  Nous  connaissons tout  le  bien  que  l'on  dit généralement  de ce grand  industriel dans la  région  d'Ergué-Gabéric".

Le 1er février 1924 la loi des huit heures fut appliquée à Cascadec et les ouvriers et ouvrières furent intégrées dans trois équipes travaillant huit heures chacune.
La loi instituant  8 heures de travail , sans diminution de salaire, avait été adoptée le 23 avril 1919 . « Elle revêt une portée générale, s'appliquant aux salariés hommes et femmes. Elle énonce le principe de la journée de 8 heures et de la semaine de 48 heures et consacre ainsi l'expression des « trois 8 » : 8 heures de travail, 8 heures de loisirs, 8 heures de sommeil pour l'ouvrier. L'ouvrier peut aménager son temps de travail de façon à bénéficier d'une journée et demie de repos : c'est ce qu'on appelle la « semaine anglaise ». 


Les bâtiments  de l'usine  construits par la Société Nantaise des Travaux Publics sont contemporains de cette action revendicative

Elle prévoyait des dérogations à la journée de 8 heures lorsque certaines circonstances propres à l'activité en question le justifiaient. C’est cet argument qu’employa M. Bolloré pour expliquer l’application tardive de la loi à Cascadec : « Avant même que les décrets rendant exécutoire la  loi de 8  heures  dans  les Papeteries  aient  été promulgué,  je  me suis  préoccupé  de leur application  dans mes  usines». 

 L'Écho de Bretagne conclut :"Quant  à  savoir  si  M.  Bolloré   avait envisagé  antérieurement,  comme il dit, l'application (de cette loi),  c'est  une autre  question,  il ne l'a dit,  d'ailleurs,  à  personne.  Nous  n'avons qu'à  constater  un  fait  : avant le 1er  février les  ouvriers  papetiers  de Cascadec  travaillaient  12 heures  par jour".

 Sources :  Archives départementales (L'Union agricole et l’Écho de Bretagne),Wikipédia 

Complément d'information: Bolloré à Cascadec

 

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