Le meunier et sa servante



 Bien avant Hersart de la Villemarqué, Jacques Cambry entreprit de collecter des chansons populaires souvent diffusées sur les marchés par des colporteurs. Ils chantaient les airs et vendaient les paroles sur des feuilles volantes.
Lors de son passage à Scaër en 1794, chez le « citoyen Keransquer » Jacques Cambry,  écouta ainsi Barbe Derrien ,« femme aveugle, de quarante ans, qui de Scaër qu’elle habite, se fait conduire aux foires du voisinage, pour y chanter de vieilles chansons ».
 L’histoire narrée dans la chanson se serait déroulée «  dans un moulin qu’on montre près de Scaër » peut-être le moulin de la Villeneuve, le moulin de Kerlavarec, le moulin du Pont ou encore le moulin de Cascadec  qui étaient les plus proches du bourg?

Le chanteur de complaintes, gravure d'Olivier Perrin, vers 1800, l'époque de Cambry.


Mari Kastellin, célèbre chanteuse et vendeuse de chansons née en 1845.

Les cornes du meunier

Voici le texte de Cambry :
"Un meunier, las de sa femme, aimable et jeune cependant, s’adresse à sa servante, et lui dit : « Marguerite, veux-tu gagner cinq cents écus et dix pistoles d’or ? Reçois-moi cette nuit près de toi dans ton lit »
Marguerite : « une simple cloison nous sépare de votre femme »
 Le Meunier « Je te promets de ne pas dire un mot »

La proposition est acceptée. Marguerite va trouver sa maîtresse, et lui dit :
« Vous êtes souvent sans argent, voulez-vous gagner cinq cent écus et dix pistoles d’or ? Couchez cette nuit dans mon lit. »
Elle lui conte alors la proposition de son traître d’époux, et lui prescrit le silence qu’on s’était promis de garder.
Transports du bon meunier, qui trouve tous nouveaux les charmes de sa femme, et las, quelques moments, avant le jour, se lève, et trouve son garçon meunier, jeune homme fort et vigoureux, qu’il aimait, et dont il était le parrain.

L’avarice succède à l’amour. Le meunier trouve cher le plaisir qu’il a pris, et comme il était fort bonhomme, il veut que son filleul passe sur le marché. Celui-ci se rend au plus vite dans le lit ou Marguerite était censée couchée.; il étonne la ménagère par sa fougue et par son ardeur. Un mot découvre le mystère, et la meunière, en souriant, lu dit : « Tais-toi mon cher Jeannot, tais toi. Ce matin, je vais à la foire du Faouët, je te promets un bon chapeau, car c’est à toi de le porter. J’achète un bonnet pour notre homme, du plus beau jaune de Dogan (cornard) ; Marguerite sera vêtue d’un habit neuf et violet ; parmi nous elle seule est sage. "

Tel est pris qui croyait prendre

  Si vous n’avez pas tout compris : Un meunier voulait coucher avec sa servante. Celle-ci en parle à sa maîtresse lui disant de prendre sa place. Le meunier, pendant la nuit tient de beaux discours à sa femme croyant s’adresser à sa servante. Puis à la fin de la nuit, il propose à son valet de venir le remplacer. Et le domestique se réjouit aussi croyant avoir affaire à la servante. Enfin sa maîtresse le détrompe.
Cette histoire s’est-elle vraiment déroulée à Scaër ? Elle a de nombreuses variantes recueillies, au XIXe et XXe siècle, à Pont-Scorff, dans le pays Vannetais, à Plouaret, dans le pays de Morlaix… Mais la version de Cambry est antérieure donc il est possible qu'elle ait été reprise par la suite ???

Texte breton de cette chanson. Voici la traduction de la dernière strophe, moins édulcorée que la traduction de Cambry
Demain à la foire du Faouët on trouvera des étoffes. je ne manquerai pas d’y aller acheter de la marchandise .Pour ma petite servante : une robe violette et pour Robardig ( le meunier) un bonnet jaune à quatre cornes  pour qu’il soit reconnu parmi tous les cocus

 Sources : Kan.BZH; IDBE

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