Le soldat aveugle




 Le journal Ouest-Éclair du 26 juin 1914 attire l'attention sur le retour mouvementé en Bretagne d'un  soldat originaire de Scaër, à la veille de la déclaration de guerre. Il était né à Ty-Allain en Scaër mais était cultivateur à Le Saint en 1913 quand il fut appelé à faire son service militaire  .

Un congé de réforme


"Un cavalier du 15e chasseurs, stationné à Châlons, Henri Le Gall, né le 4 août 1893 à Scaër (Finistère), entra à l'hôpital de sa garnison et en sortit aveugle. On lui délivra un congé de réforme n° 2 et on attendit l'occasion propice pour le renvoyer dans ses loyers. Or, deux soldats du 106e d'infanterie, également stationné à Châlons, obtenaient un congé de convalescence consécutif à un séjour à l'hôpital. L'un s'appelle Broudin, né à Lanneufret (Finistère), et l'autre Bienvenu, né à Merléac (Côtes-du-Nord). On leur confia leur compatriote aveugle et les voila, tous les trois dans le train. A Paris, arrêt obligatoire et trajet de la gare de l'Est à la gare Montparnasse. Ils montèrent dans le train 519 qui effectue un parcours de nuit dans la direction de la Bretagne. 


Réformé N°2 ( sans aucun droit à pension) à Châlons-sur-Marne, il est malade dans le train et hospitalité à Vitré.



Henri Le Gall était originaire de Ty-Alain ( quartier de Coadigou). Son registre matricule précise" sait lire et écrire". Il fut l'un des premiers élèves de l'école du quartier à Coadigou ouverte en 1885.

 Le Gall, fatigué, s'endormit et ses camarades respectèrent son sommeil. Hier matin, 19 Juin, vers 8 h. 15, Ils dépassèrent Laval et essayèrent de réveiller I.e Gall pour lui donner à manger. Ils ne purent y réussir : l'aveugle était malade. A 2 H. 45. arrivée et arrêt à Vitré. Ils prévinrent M.Goudé  sous-chef de gare de service, qui prit immédiatement les précautions nécessaires pour faire descendre Le Gall qui, accompagné de ses deux camarades, fut transporté dans une salle d'attente. On envoya prévenir M. le docteur Rossignol : il arriva quelques Instants après. Devant la gravité du mal, Il fit avertir un major du 70* d'infanterie. On courut au poste de police ; un infirmier et quatre soldats porteurs d'un brancard, descendirent en hâte Jusqu'à la gare et transportèrent Le Gall à l'hôpital militaire. Broudin et Bienvenu ont fait de leur mieux. Ils croient savoir que leur compatriote a été atteint de cécité à la suite d'une méningite. Tout affligés, ils ont continué leur route par le train de six heures du matin".

 On aurait peut-être pu faire mieux

Le 8 juillet , un second article est consacré à ce soldat aveugle.
" On le fit sortir de l'hôpital dans un état tel qu'il ne put supporter le voyage pour rentrer dans ses foyers. A Vitré on dut le descendre du train et l'hospitaliser. Or, le 7 juillet, à 5 h exactement,une voiture d'ambulance amenait Le Gall à la gare. Souffrant, un peu fou même, il était étendu sur un matelas. Il protégeait de ses deux mains ses deux yeux qui lui faisaient mal et ne voulait à aucun prix retourner dans sa famille dans l'état où il se trouvait. Il a été tiré de force de la voiture d'ambulance, deux hommes l'ont fait traverser de force les salles d'attente et on l'a hissé de force dans le train qui devait le conduire sur la Basse-Bretagne. On aurait peut-être pu faire mieux.".


Son registre matricule, signale en effet qu'il souffrait d'une méningite chronique entraînant des troubles visuels.Sa maladie alla en s'empirant si bien qu'il mourut le 12 aout 1914 à son domicile quelques jours après la déclaration de guerre.

 

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