Des élèves Brestois repliés à Scaër de 1941 à 1945

  Le juin 1940, les troupes allemandes occupèrent Brest évacuée par les troupes françaises et britanniques.  Elles occupèrent une partie des bâtiments  du collège Saint Louis. La ville ne tarda pas à subir ses premiers bombardements du fait de la R.A.F.  {Royale Air Force) et  de  I' U.S.Air  Force.  Ceux-ci n’allèrent qu’en  s'amplifiant,  rendant  progressivement  la situation intenable  ; à tel  point  qu'il fallut en  1941  fermer les écoles  par mesure de sécurité. Au mois d'août, le supérieur de saint Louis, Le chanoine Augustin Guillermit  prit la décision de transférer le collège-lycée à Scaër dans les immeubles de l’école des Frères, l'école Saint-Alain. L'aménagement se fit en Septembre et Octobre. Cet  exil  dura  quatre  longues  années.
 


Photo des élèves brestois derrière Saint Alain en 1942



Le Chanoine Guillermit directeur du collège-Lycée Saint Louis réfugié à Scaër

Christian Quénéhervé a relaté quelques épisodes de cette période dans son ouvrage «  La guerre en culotte courte »  consacré au monde monde scolaire  breton de 1939 à 1945.
"A Scaër, haut-lieu de la Résistance, les enfants se demandent pourquoi l'armée allemande occupe l'école, les obligeant à jouer place de la Mairie ou du Champ de Foire et à suivre les cours dans les cafés, hangars, garages et salles de danse.  Ils se vengent comme ils peuvent.  Ainsi le jeune Étienne Gourlay d'Elliant, qui assiste en 1943 au départ d'éléments de l'Afrika Corps et à l'arrivée de « Russes blancs », se dit que ces soldats des steppes méritent d'être initiés aux merveilles de notre civilisation et en particulier à l'usage de la bicyclette !  L'endroit idéal c'est le terrain de sport de l'A.S.S. que l'ennemi a transformé en terrain de manœuvre truffé de trous individuels propices à accueillir des mitrailleuses et fusils-mitrailleurs.  Ce terrain de football était délimité par des talus au pied desquels les Allemands avaient creusé des tranchées.  Ce terrain comprenait deux parties dont une plus élevée, intéres­sante pour prendre de la vitesse une fois la petite reine enfourchée... Quelle joie pour les gamins de voir ces Ukrainiens apprendre à monter à vélo, lancés du haut du plan incliné pour réaliser tant bien que mal la descente de ce stade accidenté, négociant mal le bas de la descente, se fichant tout droit dans le talus, les tranchées, ou dans le tas de sciure de la fosse de saut en longueur, certains se relevant avec peine, le vélo en piteux état, les roues voilées, s'attirant de surcroît les foudres des instructeurs...

Des lycéens de terminale à Scaër

Les élèves venus de Brest auront aussi une scolarité mouvementée. Le jeune Joseph Guillou, le transfuge du Likès, scolarisé à Moëlan, lit dans la presse le repli du lycée Saint-Louis de Brest sur Scaër.  En octobre 1941, il y retrouve alors ses copains, Bébert Kermorgan, Youn Guernic, Keruzoré, Broch, Jean Cozic, Le Gros, Le Gall et tous les autres.  L'histoire sera apprise dans le livre réalisé en collaboration avec (Tintin » Guillermic, le professeur de Brest.  Sur l'équipe enseignante, trois ou quatre professeurs seulement ne sont pas des Pétainistes.

Les potaches trouvent dur de défiler, devant le Préfet, main tendue, en chantant Maréchal nous voilà».  Certains s'en plaignent : «on n'est pas là pour faire valoir les politiques, on est là pour apprendre ».

Ces jeunes ont l'appui de professeurs anglophiles, Louët et Le Normand, (Azor » qui ont déjà fait la guerre.  Le professeur d'espagnol) qui a fui Franco reste neutre.  Le père Joseph Bellec, régionaliste bretonnant suscite la méfiance des élèves qui ont la vie rendue difficile par quelques militants Breiz Atao .  Des élèves seront renvoyés pour activités anti-pétainistes par un professeur de français.

 Le petit Morin est pris en flagrant délit de « bris de Francisque ». Le  Hir, élève de terminale, a refusé de lever la main pour prêter serment de fidélité au Maréchal.  Ils sont expulsés du lycée comme Albert Kermorgan, résistant en culotte courte, de la première heure.

 Ce jeune Brestois, né en 1925, qui a sur place un oncle facteur a le droit de sortir.  Il en profite alors pour ravitailler ses copains en pain, denrée qui brillait alors par son absence.  Dur pour un «J3 » en période de croissance de subir ces restrictions

  Bébert imite le tonton et joue le rôle dangereux de facteur car les courriers des internes sont lus, voire interdits par l'autorité.  Branelec en particulier joue la censure :  Comment, la bouffe n'est pas bonne ? Les adultes font du trafic avec vos tickets?... Recommence ta lettre de suite ! » .Aussi assurait-il d'agréables liaisons avec les amis, les familles, des caches secrètes dans les murs de la cour servant de relais.
« Bébert » auditeur assidu de radio Londres, affranchit l'internat, l'informe des nouvelles du monde.

La  vie des Brestois à Saint Alain


 Les conditions de l'internat sont mauvaises du fait du surnombre d'élèves.  Les WC « en bois massif» bricolés à la mode des «biffins», prévus pour dix, doivent faire face aux heures de pointe à plus de 300 candidats.  Le préposé à les vider à longueur de journée, c'est souvent le même qui sert ce petit monde à table !  Ce « Mathurin» rompant le pain de la cantine, vraiment débordé, prend à peine le temps de se laver les mains !

Avec les élèves de l'école Saint-Alain logés dans les salles de danse Guernic et Boëdec près de la gare, ils vont mener parfois d'impressionnants raffuts.  Ce sera le cas, lorsque les Allemands vont envahir la zone dite «  libre ». Les deux galettes du soir jugées trop légères pour un souper, avec en plus, un 11 novembre que personne ne pouvait célébrer, avaient mené les jeunes à hurler dans les rues de Scaër avant d'être vite renvoyés à leurs dortoirs.  Là aussi un urinoir pour cent vingt élèves ne suffit pas et ce sont les douches qui permettent la libération des vessies trop pleines.

Le système "D" existe.  Le pion Pitch Floch coupe les cheveux « à pas cher ». Quant au vin chaud de l'infirmerie, il encourage plus d'un à se dire malade et une fois alité, à frotter le thermomètre contre les draps pour faire monter le mercure !

A toute chose malheur est bon, comme ce jour où les élèves punis par le Père « Sté » ( M. Stéphan, prof de philo)  souffrent sur la traduction d'un vieux texte d'espagnol qui chance inouïe leur sera proposé au baccalauréat.  Les punis glaneront tous les lauriers !

Parfois, ces grands gaillards recevant deux biscuits caséinés s'entendent dire " n'en mangez pas trop, ça dilate l'estomac».  Avec deux biscuits transparents pas question de faire le miracle de la multiplication des pains...

Le café « jus de gland» arrose le tout.  La cueillette des glands à Pont-Aven permet de récupérer un petit pécule.  Le presbytère local se montre également accueillant envers « les nécessiteux » et l'aide du recteur Tanguy et de son vicaire Francis Tanguy, professeur à la retraite, dit « Bidouille », est fort appréciée.

 Il existe des récompenses malgré tout : les points de « satisfaction »distribués par Marcel Chalm ou le curé et qui servent de transaction pour les élèves en quête de victuailles.  De brillants faussaires en font des copies.

Un jour, le Père Jacques, de Gourin, un Gaulliste sur le point de partir à Haïti, invite quelques jeunes à le suivre à Guiscriff : « Prenez vos impers pour cacher les miches de pain, et en route ».  Les navettes dureront trois jours avant que le stratagème ne soit découvert

Cette égalité devant la pénurie fait que règne la camaraderie malgré les divergences de vues et de mentalités.  Il y a bien sûr quelques clivages «Sudistes» et  "Léonards», des pétainistes qui s'affichent, d'autres qui n'ont pas d'idées et ne se « mouillent » pas, pourtant pas une bagarre ne semble avoir été engagée entre pensionnaires, qui d'ailleurs ne se parlent guère.

 Certains élèves anti-nazis cassent leurs plumes sergent-major les fixent au bout de plumes d'oiseaux ou de papiers mâchés, tricolores, qu'ils lancent avec des élastiques pour les expédier bien en vue, hors de portée des maîtres, sur murs et plafonds des locaux scolaires.

 La provocation est risquée quand on pense que certains professeurs s'étaient unis pour  se rendre au presbytère de Pont-Aven pour demander à l'abbé Tanguy de cesser de faire en chaire des sermons qui s'attaquaient aux < collabos», et que les exclusions d'élèves sont une réalité.

 La colère des jeunes est pourtant dure à canaliser à raison d'un surveillant pour 200 contestataires.  Le Meur de Landerneau, Ansquer, Dumazo, Corlay et les autres ne sont pas les derniers à se plaindre du pion qui pénalise ceux qui décrètent de prier sans chapelet.  Un nommé Guéguen fera lever les cris de près de 500 gamins procédant par vagues, au gré de ses déplacements, les plus proches restant évidemment silencieux...

 Avec son cousin, les dimanches - où il n'est pas en colle - il récupère tous les tracts « qui réchauffent le cœur », afin de les introduire à l'école.

 Face à ces agissements jugés « gaullistes », il est renvoyé le 15 mars 1942 avec quelques camarades : Cheminant, Pustoch, Galliou de Brest, Corent de Saint-Thurien.  Difficile ensuite, sans livret scolaire de se présenter au baccalauréat ; la sanction pour ces élèves est lourde de conséquence.

Du Lycée au maquis

 La contestation, Albert Kermorgan l'entretient patriotiquement.  Faute de livrets, Guillou, Herlédan et d'autres élèves, mal vus du supérieur, seront aussi insultés par le président du jury d'examen et collés à leur baccalauréat.  Ce sera partie remise et gagnée en 1943 pour Guillou qui décide de préparer " math-élem" au maquis, avec les bons conseils de son frère, professeur de mathématiques et physique au lycée de Lorient.  Les examens de « math-élem. » auront lieu les 6 ou 10 juin 1944...

 La colère va se porter en 1944 de façon plus marquée envers l'occupant. « Bébert Kermorgan après un passage à Parigné Le Polin s'engage dans le maquis de Kernével, assiste aux parachutages au moulin de Kerry, prend les armes, pour les grands jours, avec les FFI de Le Fur puis le groupe de « Bob », à Scaër. " 

Source:Historique de Saint Alain onglets  Saint Louis et La Résistance

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