Marcel Delaitre. Du bourrelier au tapissier

Le tapissier Marcel Delaitre  s'était installé place Loïez Rest  à Scaër en 1971 après avoir été ouvrier dans la région parisienne. Un métier alors en pleine mutation en milieu rural. Voici son témoignage recueilli en 1978.

L'évolution d'un métier

II avait pris la succession de Gaby Bourhis et de bien d'autres qui auparavant excellaient dans la fabrication et la réparation des selles et colliers de chevaux ainsi que dans les harnais en cuir. «Quand il y a eu moins de chevaux, le bourrelier s'est mis à réparer ou faire des sommiers, des matelas». Mais  cette activité ne suffisait pas  à « nourrir son homme »: il y avait ajouté une profession où les activités étaient nombreuses et variées, celle de tapissier.

 

II en faut de la patience pour clouer le tissu sur ce « Voltaire »

 « On fait ou refait des sommiers, des matelas mais aussi des fauteuils, des têtes de lits, poser des tentures. Ce qui est intéressant, c'est qu'on varie souvent d'activité. Les matelas, c'est surtout l'été qu'on les refait, je ne sais pas pourquoi, matelas et sommier, c'est en gros la moitié de l'activité.
 Je répare des fauteuils, je peux encore les recouvrir de tissu à partir d'un cadre neuf. Par exemple, une personne qui veut assortir les différents mobiliers de sa chambre peut passer par un tapissier qui pourra assortir la tête de lit, une chauffeuse par exemple aux tentures, au couvre-lit...
 On peut aussi à partir d'un cadre neuf assortir un nouveau fauteuil, au tissu d'un salon déjà existant.
M. Delaitre travaillait sur un fauteuil Voltaire, quasi centenaire. « J'ai refait tout le siège. Maintenant on le fait en mousse, c'est plus simple. Je le recouvre d'un tissu qui sera tenu par des clous en laiton. Il y en a environ un millier à poser sur un tel fauteuil
».

Un travail méticuleux

La principale qualité d'un tapissier est d'être très méticuleux : « Quand on coupe par exemple un tissu qui peut coûter jusqu'à 200 F le mètre, le moindre coup de ciseau de travers... et puis il faut aussi de la patience, comme pour poser ces clous. Enfin, on est content quand on réussit un boulot ».
M. Delaitre avait appris son métier sur le tas : « La meilleure formation. Moi j’ai appris avec un compagnon qui avait 30 ans de métier. C'était un monsieur ! ».
M. Delaitre avait toujours le marteau spécial, à tête aimantée pour maintenir les semences : « On peut commencer avec peu de matériel et puis on s'équipe peu à peu. En plus de l'outillage spécial du métier, j'ai maintenant un outillage pneumatique pour planter les agrafes par exemple. Pour nettoyer la laine des matelas, il y a une cardeuse qui coûte quand même un million ancien. Quand on va travailler avec, il ne faut pas être allergique ».

Un lit rond

 Des travaux variés, on en fait dans ce métier : refaire les matelas : « Celui qui a été habitué à un matelas de laine le restera et fera refaire son matelas et nettoyer la laine, les tentures murales. Maintenant, on pose pas mal de jute ». Le travail le plus original qu'a fait M. Delaitre fut  un lit rond : « C'était pour un particulier de Versailles. Dans l'atelier, on se demandait comment il fallait mettre les draps sur un tel lit. Il avait deux mètres de diamètre ».
Du bourrelier au tapissier-décorateur actuel , il y a l'espace d'une génération : celle de la disparition du cheval et de la recherche d'un certain confort intérieur, le métier a su évoluer.

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