Bertrand Massé, tailleur de pierres


Loge-Brout, Pen Coat-Loc’h, Rosbic... Des villages scaërois qui étaient réputés autrefois pour avoir  abrité des tailleurs de pierre artisanaux. Entre les deux guerres, époque où l'utilisation de la pierre de taille était plus répandue qu'aujourd'hui, ils étaient une dizaine dont Jean-Louis Cras, Charles Fur, Francis Moysan, Hervé Kerva-bon. Jos Hascoët, Saïk Gall
En 1978, Bernard Massé 74ans, tailleur de pierre en retraite, entre un petit tour au jardin et un petit coup d'accordéon, maniait encore le burin et le marteau à Guerloc'h.
 
Les pierres taillées par M. Massé en 1978


Apprentissage chez tonton Cras

En 1978 ,Bertrand Massé, 74 ans à l’époque nous avait raconté ses débuts dans le  métier de tailleur de pierres. «Pendant la guerre 14, j'ai été domestique à Kervalaen. En 1920, mon oncle, « tonton Cras », m'a dit : tu ne vas pas rester domestique toute ta vie. Viens avec moi, je t'apprendrai le métier de tailleur de pierres. Au début, comme tous les bleus, j'ai appris à travailler les carreaux de cheminée, c'est-à-dire le haut, ce que les gens ne voient jamais très bien ».
Son apprentissage, Bertrand Massé l'a fait à la carrière de son oncle à Keranguen. Puis ce dernier déplaça son chantier à quelques pas de Kerancalvez. Après son service, le désir « d'aller goûter la soupe ailleurs » le fait engager à Inguiniel et il y restera deux ans. « On a beaucoup travaillé sur l'hôpital de Pontivy. J'ai même taillé 20 m de corniche, sans arrêt»..
C'est à Lorient que le jeune tailleur de pierres va se perfectionner sur le métier : « On faisait de tout : pierres tombales, croix, bordures de trottoirs. C'était en 1928 : je gagnais 5,25 F de l’heure et ma pension était de 10 F par jour. Comme on travaillait 8 heures, je pouvais ramener 40 F par jour à la maison ».
M. Massé a taillé diverses sortes de pierres : « La plus facile, c'est encore le granit de la région de Scaër. Mais la pierre de Dinan, c'est plus dur. J'ai aussi taillé pour Cascadec des morceaux de lave. Cette pierre-là, elle sonnait comme du fer ».
 
Les initiales de Bertrand Massé sont visibles au bas à droite de cette borne en bordure de la route de Kernével après la gare de Coat-Loc'h


Bertrand Massé aurait sculpté ces pierres au-dessus du " Kraou- Dragon" au village de Cleumerrien en 1944

 

L'affiloir, le têtu et le panard

Sur un chantier «à l'ancienne», le premier travail consistait à extraire la pierre à travailler du bloc rocheux. Les outils utilisés pour ce travail étaient l'affiloir, sorte de marteau à becs pointus et les coins. Le panard, masse à une tête, servait à frapper sur les coins enfoncés dans la pierre.
Une fois que le bloc était dégagé, le tailleur de pierre utilisait le têtu, masse à deux têtes, pour enlever les gros copeaux. "Les outils qui s'usent le plus sont les burins, qui servent pour les ciselures et les poinçons, qui servent pour dégrossir la pierre et la boucharder".

Le métier avait son vocabulaire pour désigner les pierres selon leur emplacement sur une ouverture : «Pour la fenêtre, tu as les lancis et les crochets. Les encoignures, c'est pour le bas des portes ... Le métier intéressait les jeunes. Mais il faut beaucoup de courage pour réussir :  On disait en breton : piker-men, gounet e voet ha netra ken ». ( le tailleur de pierre gagne sa nourriture et rien de plus).