Michel Bernard, le dernier sabotier scaërois



Du hêtre des talus


Michel Bernard de Pont-Lédan fut le dernier sabotier à exercer sur la commune. Dans les années 70, 1975, il produisait 1500 paires par an.

 Il travaillait  avec trois machines et une tronçonneuse. En 1985, il témoignait de son activité : « Je prends plutôt du bois de la campagne. Le hêtre des talus est peut-être moins beau que celui des forêts mais il est plus résistant.Ce bois a moins tendance à crevasser.  Les agriculteurs de la région me livrent: je viens de recevoir une demi-douzaine de tronc de Kerbrébel. 

 Je commence par le débiter à la tronçonneuse, puis à l'aide d'un appareil à copier, une tailleuse, je donne au sabot sa forme extérieure. Un seul modèle suffit puisqu'un pantographe permet de s'adapter à toutes les pointures. Ensuite, un autre appareil de copie, la creuseuse, façonne l'intérieur du sabot ». Dernière machine du petit atelier de Pont-Lédan : une ponceuse à bandes placée à côté de la cheminée, où un feu sèche les sabots nouvellement façonnés.Toutes ces machines sont déjà d'un âgé vénérable, et leur fabricant (Baudin, dans l'Allier) a fermé ses portes. Heureusement, Michel possède une tailleuse et une creuseuse de rechange.

Michel Bernard dans son atelier

Le sabotier utilisait une tronçonneuse pour débiter les arbres en rondins de 32 cm de long, rondins qui seront fendus à la hache

Un marché en déclin

Les sabots de Michel Bernard restaient quelques mois encore à Pont-Lédan pour parfaire leur séchage. Ensuite, ils étaient proposés à la vente, soit chez lui, soit dans les magasins de chaussures de la localité ou des environs.
En 1985, si vous souhaitiez acheter une paire de sabots tout bois, cela vous coûtera 95 Fr pour une paire homme, 90 Fr pour une paire femme, et 85 Fr pour une paire fillette. (1 euro = 6, 56 Fr) .En sabots à brides, appelé « sabot léonard » : 138 Fr pour les hommes, 130 Fr pour les femmes, 122 Fr pour les pointures « fillettes », et 118 Fr pour les pointures enfants. Mais Michel Bernard ne fabriquait pas cette dernière série, dont la vente est quasiment nulle. 


Façonnage du sabot à l'ancienne



La creuseuse façonne l'intérieur du sabot


 « Il y a une diminution lente de la vente parce que les vieux meurent. Ce sont eux qui portaient des sabots. Je travaille toute l’année, mais la vente est saisonnière : en hiver surtout. En été, on ne vend presque rien. De temps en temps, il y a des touristes qui savent que je fabrique des sabots et qui viennent en prendre. Je ne sais pas si c'est pour les porter ou pour décorer chez eux ! »
Sa clientèle potentielle était essentiellement constituée de ruraux, agriculteurs ou non, qui apprécient la simplicité d'usage du sabot : « On laisse ses sabots sales dans la cave et on marche en chaussons à l'intérieur ». Les employés des salaisons et des conserveries recherchent encore les sabots qui leur procurent un certain confort sans humidité : « Autrefois, ajoute Michel Bernard, je faisais aussi des sabots pour les marins. Ils étaient en peuplier, car c'est un bois qui ne glisse pas ».

Attention au soleil

En bon professionnel, Michel Bernard conseillait aussi ses clients sur l'entretien à porter aux sabots : ne pas les exposer au soleil ni dans un courant d'air, car les bouts vont fendre. Enduire le sabot de black, de coaltar ou d'huile de vidange prolonge leur vie.
Ajoutons que le dernier sabotier scaërois fournissait des copeaux aux artisans charcutiers : la fumée naturelle du hêtre donne un bon goût au saucisson maison.


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