Coat-Loch. Les hirondelles de la nuit


Il y a une quinzaine d'années, l'ONF en, partenariat avec d'autres collectivités envisageait d'aménager la maison forestière de Coat-Loc'h, construite en 1913,  en une maison de la Nature pour expliquer la forêt, son histoire et proposer des animations. Ce projet n'a pas abouti, pour des raisons financières entre autres mais aussi parce que ce bâtiment hébergeait des chauves-souris dans le grenier. Il a été aménagé et une dizaine d'espèces y ont été recensées de la cave au grenier  dont des grands rhinolophes, des pipistrelles,des oreillards, des murins...

La maison forestière héberge plusieurs espèces de chauves-souris
Des étudiants  hébergés au camping épaulaient les techniciens de l'ONF  à localiser les chauves-souris

Une espèce arboricole

 

En 2018, durant la première quinzaine de juillet et la 2e quinzaine d'aout, le réseau mammifère de l’ONF associé au groupe mammologique breton et Bretagne Vivante  ont  organisé  une opération de suivi et d'inventaire en localisant et cartographiant les terrains de chasse  d'une espèce de chauve-souris protégé, le "Murin de Bechstein".
Ce petit mammifère de 5cm est assez rare dans la proche région. Cette espèce peu nomade se rencontre essentiellement dans les forêts anciennes.  Une trentaine de sujets ont été recensés à la maison forestière aux côtés d'autres espèces plus nombreuses. Elles vont chercheur leur nourriture en forêt, dans les bocages, au-dessus des points d'eau.
Cette recherche était coordonnée par Laurent Tillon, chargé de mission faune et biodiversité à l'ONF. Il collaborait avec Guy Le Reste (chef de triage ONF, correspondant biodiversité et membre du réseau mammifère); Frédéric Malgouiresse, Damien Nicolas, Benoit Bocquet, Clémentine Azan. Yves Le Vallégant, responsable ONF local était la personne ressource de cette opération de par sa connaissance des lieux. MM. Le Reste et le Vallégant sont de la région, les autres techniciens venaient de Fontainebleau, de Paris, de Bourgogne, du Var, de l'Aisne.

Top azimut

 

Un mini-émetteur avait été fixé sur le dos de dix murins, chacun ayant une fréquence différente. Ils allaient chasser chaque nuit à partir de 22 h 30 ; sept équipes  pointaient une antenne vers les airs pour tenter de capter un signal sonore sur un récepteur.
Le principe de la localisation de leur zone de chasse repose sur le principe de la triangulation.
A partir de la maison forestière, par radio, le coordinateur va demander aux équipes sur le terrain de repérer tous les animaux en variant la fréquence de recherche: c'est le " Top azimut".
En fonction de la puissance des signaux, la recherche s'affine. A l'aide d'un GPS, les équipes déterminent la direction du signal. La rencontre de plusieurs lignes de signaux captés en des endroits différents précise le "barycentre" où pourrait se trouver la chauve-souris. Celui qui a le plus fort signal se déplace alors pour tenter d'avoir l'animal juste au-dessus de lui.

Certaines chauves-souris rentraient après une heure de chasse, d'autres plus tard dans la nuit ou pas du tout. Guy Le Reste « On essaiera alors de les repérer grâce à l'émetteur : elles auront peut-être trouvé un gite dans une autre colonie, dans un arbre, un autre grenier. Si elles sont allaitantes, les jeunes seront pris en charge par d'autres femelles. C'est ce que l'on appelle une colonie de parturition".

Laurent Tillon porte l'antenne destinée à capter les signaux...
...émis par l'émetteur fixé sur le dos des Murins de Bechstein

Forêt et bocage

 

 L'objectif était de repérer les terrains de chasse de l'espèce à l'aide d'algorithme très rigoureux et de cartographier son domaine vital. Leurs recherches nocturnes conduisirent les équipes de recherches hors de la forêt. « À 4 h du matin, on a réveillé des habitants de Guerroué" précise Guy Le Reste, correspondant biodiversité à l'ONF. « Nous avons constaté que l'ouest de la forêt, au bord du Ster-Goz , était très fréquenté par les murins de Bechstein. Il y a des animaux qui sortent de la forêt, jusqu'à 5 km, pour chasser là où les insectes sont abondants. Il y a donc dans leur régime alimentaire une part de nourriture hors forêt".

Les arbres -gîtes


La première session de juillet concernait le suivi 20 femelles allaitantes, la seconde en août incluait des juvéniles, des mâles, des post-allaitantes. La période différait également puisque les chauves-souris font des réserves de graisse brune avant d’hiberner : "Quelques-unes resteront dans la maison forestière, la plupart iront hiberner dans les anfractuosités des arbres. Et puis il y aura la période des amours : elles ont besoin de vieux arbres qui jouent un rôle au niveau de la reproduction. Nous avons déjà marqué 13 arbres-gites ». Pour conserver l’espèce, le forestier doit garder un nombre suffisant d’arbres âgés, souvent pourvus de cavités. Dans les zones de jeunes chênes, les chauves-souris peinent à trouver des gîtes. Stressées, elles sont moins enclines à la reproduction.
 « Nous avons suivi l'émetteur 078 gitant dans un chêne de 110 cm de diamètre sur un talus. Le gite, c'était une fissure sous une branche charpentière datant de l'ouragan de 1987. La tempête a abimé la forêt mais a aussi créé des gites. C'est la Nature".
Un rapport destiné à la Société française pour l'étude et la protection des mammifères, émanation du muséum d'histoire naturelle fut également établi. Guy Le Reste :" cela permettra aussi d'améliorer notre connaissance de l'Espèce et aux responsables de l'ONF de mieux orienter la gestion forestière en prenant en compte ces espèces".

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