Keranna éternue, Scaër s'enrhume

Les Scaërois de longue date se souviennent qu'en  1976, Scaër fut déclarée ville morte lors des licenciements massifs  qui frappèrent la papeterie Bolloré à Cascadec.
Plus près de nous, en l’an 2000, 4.000 personnes défilèrent le samedi 30 septermbre dans les rues de Guiscriff à l'appel des représentants du personnel de  " La Chaillotine" et des élus : une menace de licenciements pesaient sur cet abattoir de volailles employant 550 personnes à l’époque. Propriété du groupe Bourgoin S. A. Distribution,  ce fut la plus grande usine d'abattage d'Europe des années 1980 et employa jusqu’à  730 personnes. Elle s'était implantée à proximité de l'aérodrome de Keranna et Bourgoin  fut un des instigateurs de l'allongement de la piste.

 "Keranna éternue, Scaër s'enrhume" : étant donné les liens qui unissent Scaër et Guiscriff, en cas de licenciements dans cet abattoir, les répercussions seraient immédiates  sur le commerce scaërois. Outre les salariés résidant sur notre commune, bon nombre d'entre eux demeurant sur Guiscriff faisaient  leurs achats à Scaër.

 Venus de Guiscriff, Scaër, Gourin et Le Faouët pour la grande majorité, les manifestants  apportaient donc  leur soutien aux salariés des établissements Bourgoin en attente d'une décision judiciaire.
Toutefois, l'ambiance était assez fataliste dans les rangs des manifestants : il était assez clair que ce rassemblement ressemblait plus à une mise en condition pour les moments très difficiles   à venir annonçant plus de 300 licenciements. Les salariés restants s'accrochent désormais à la proposition de reprise du groupe Glon.


" La Chaillotine" doit son  implantation à la présence d'un aérodrome à proximité immédiate
Une forte délégation scaëroise défilait dans les rues de Guiscriff


Guiscriff ville morte



C'est donc en silence et précédés par un cortège d'élus impressionnant, dont Jacques Le Nay, député du Morbihan; Michel Morvant, conseiller régional; André Lamandé et Corentin Kernéïs, respectivement maires de Guiscriff et Scaër, qu'ils ont déclaré « Guiscriff ville morte » pour continuer à vivre demain. Cette manifestation aura démontré que la solidarité n'a pas disparu en Centre-Bretagne. Tous les commerces étaient fermés, et toute la population  témoigna sa sympathie aux salariés de La Chaillotine qui ne veulent pas être « plumés ». Outre les locaux, on notait la présence de représentants de collectivités ou autres, pas directement concernés par les problèmes de La Chaillotine mais impliqués par le maintien du tissu socio-professionnel en Centre-Bretagne.


L'emploi en Centre-Bretagne


L'autre intérêt de ce rassemblement résidait dans l'appel lancé aux pouvoirs publics, aux décideurs économiques et autres stratèges haut placés sur l'avenir du Centre Bretagne qui, à force de perdre ses poumons économiques, voit ses jeunes partir et ses entreprises délocalisées. « A quoi rimerait de faire de jolis dépliants touristiques s'il n'y a plus personne en Centre Bretagne », s'interrogeait Jacques Le Nay. D'autres se posaient déjà la question de la politique agricole menée en Bretagne et se demandaient si ce n'est pas le moment de remettre ce système en cause.
 
 Concernant l'affaire Bourgoin, c'est André Lamandé qui se montra le plus ferme, dénonçant l'orgueil, la mauvaise gestion, les choix économiques peu judicieux et les mensonges d'un homme « pour qui tout semblait réussir ». Il ajouta : « On nous a caché la vérité depuis 1992. Le dépôt de bilan a été une véritable surprise dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences ». Ce que chacun n'osait dire du bout des lèvres, le maire le proclama tout haut, mais dans le fatalisme ambiant et, arrosée par la grêle, la foule ne parvint même plus à libérer son amertume.
Samedi, beaucoup ironisaient sur le paradoxe d'un président de la Ligue nationale de football pavoisant dans les tribunes des plus grands clubs d'Europe et son empire mité par les dettes. Pour mieux enfoncer le clou de cette situation, d'autres parlaient de l'aérodrome, de ce feuilleton qui a duré plus de dix ans, de ses 20 millions de francs et des rêves qu'il a suscité. Fatalisme, oui, car la manifestation ce fut aussi l'occasion de dire au revoir avec émotion  aux partants, aux premiers licenciés, aux contrats non renouvelés .
 En  octobre 2002, les groupes Glon, Houdebine et Arrivée,  rachetèrent l'abattoir de Guiscriff  qui devint "les Volailles de Keranna".

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