Vente du clocher: témoignages de Guiscrivites


 En 1969, c’était le début des magnétophones à cassettes. Les prêtres de la paroisse de Guiscriff enregistrèrent trois anciens de plus de 80 ans pour recueillir leurs témoignages sur leur enfance. Des extraits furent publiés dans « Kleïer Ma bro », le bulletin paroissial sur l’école, les mariages.


Voici quelques extraits de ce dialogue lancé par le prêtre interviewer

- "La flèche actuelle du clocher est beaucoup plus récente que le reste de la tour. À quelle époque a-t-elle été élevée ?
-  Fin 1892 Début 1893, je crois.
- Vous avez donc connu l’ancien clocher ?
-  Oui. La flèche était bien plus petits que celle de maintenant et bien moins belle.
-  Que s'est-il donc passé à cette époque ?
-  Eh bien on a abattu l’église de Scaër pour en construire une plus grande. Le recteur de Guiscriff, Monsieur Le Borgne, a acheté les pierres de la flèche et les a fait transporter ici. Mais vous n’avez pas d’archives paroissiales ?
- Il y a bien ces papiers au presbytère, mais je n'ai pas encore fourré mon nez dedans… Jetez-y un coup d'œil, Peut-être y découvrirez-vous quelque chose".
Les anciens suivirent le conseil du Père Joseph du Père Guillaume et du Père Thomas et compulsèrent les archives.


L'église de Guiscriff.A gauche : son ancien clocher; à droite : la tour est coiffée par le clocher de Scaër
Photo du début du 20e siècle: les pierres de la nouvelle flèche sont plus claires que la partie ancienne

Scaër refuse ... puis revient sur sa décision



« Voici ce que nous avons trouvé...En octobre 1891 Scaër achève la flèche de sa nouvelle église. Depuis un moment, les Guiscrivites songeaient à remplacer la leur, la trouvant petite et misérable. Monsieur Le Borgne, en même temps qu'il allait saluer de temps en temps le curé de Scaër et goûter son cidre remarquait les belles pierres de l'ancienne flèche qui n'avaient pas été réemployées. Il jugea que cette flèche serait d'un "excellent effet" sur la tour de Guiscriff. L'architecte, consulté estima que la tour supporterait aisément ce poids supplémentaire. L’entrepreneur Le Naour, de Quimper, proposa son prix : 4 000 F pour descendre l'ancienne, transporter et poser la nouvelle.
Le conseil paroissial de Guiscriff, composé de MM. Le Tennier.Le Dorven, Pierre Cadic, Adolphe Le Boëdec, Yves Péron, Yves Ruffel, Jean Miniou et René Le Fer, approuva à l’unanimité ».
Le conseil municipal de Scaër accepta d'abord. Mais début 1892, il revint sur sa parole : «  Les pierres de la flèche sont à nous, elles resteront chez nous » !
- « Ne nous emballons pas, dirent les Guiscrivites. Ils ont une autre cession en mai. D’ici là, le vent peut tourner... D'après ce qu'on a entendu par les commères du coin, ils pourraient revenir sur leur vote »
Le vent tourna en effet : Scaër donna le feu vert… Le 1er  Novembre 1892, le conseil paroissial accepta plan, devis et marché    proposés par l'entrepreneur. Entre temps, il y avait eu une petite augmentation - due sans doute à la TVA de l’époque. Les frais se montèrent à 5 562 francs 63 centimes, plus les barriques de cidre que le recteur mit vraisemblablement en perce pour abreuver les ouvriers.
Les anciens :
- « Nous avons assisté aux opérations. Ils ont commencé par descendre la flèche et les cloches dans le cimetière qui entourait l'église.
-Oui, pour appeler les fidèles, on avait installé un petit clocher provisoire là où se trouve maintenant le monument au comte Trogoff, près de l'actuelle sacristie ».


Quand on observe la finesse  des détails, on comprend que les Scaërois aient voulu garder les pierres de leur ancien clocher. Sa vente permit d'installer les cloches dans le nouveau clocher scaërois
Le monument au comte Trogoff est au pied du grand vitrail du choeur

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