Mathurin et François Bernard, authentiques lutteurs d’avant-guerre


Les frères Bernard commencèrent à lutter en 1933. Voici leur témoignage recueillis en 1982 : « C’est notre père qui nous avait appris les prises. Puis après en luttant on s’est amélioré. Nous faisions partie de la catégorie poids plume. Il y avait aussi des poids légers, des moyens, des lourds .
On a vu des moyens « rouler » (*) des plus lourds car la lutte bretonne, ce n’était pas seulement une affaire de force. Il y avait des lutteurs de bras qui soulèvent l’adversaire, d’autres qui sont des lutteurs de jambes qui font des «  clikets ». Il ne suffit pas d’être fort, il faut savoir lutter, bien connaître les prises pour tourner l’adversaire ».
 Ils participèrent à de nombreux tournois locaux. Le meilleur souvenir de Mathurin reste en 1934 son tournoi à Guiscriff où il gagna sa participation aux jeux interceltiques. Hélas, Mathurin n’alla pas en Angleterre : il y avait du travail à la ferme à ce moment-là.
François se souvient d’une compétition Belle-Isle-en Terre. " Nous partions le lundi matin et la lutte avait lieu le mardi matin. On dormait là-bas. Au matin, je me souviens : on a bu le jus et mangé des œufs que l’on prenait comme cela dans une caisse. J’ai eu le second prix à la lutte soit 200  francs" C’était quelque chose à l’époque. Un peu d’argent de poche pour faire le jeune homme. Le vainqueur, Rivoal, avait emporté le mouton".


Les frères Bernard à Quérou en 1982
En mars 2005, l'association Archives et mémoires de la lutte Bretonne avait rendu hommage à François Bernard, 96 ans, résidant à l'Ehpad




Dans les petits concours de quartier les prix consistent en flots de rubans, des paquets de tabac Celui qui luttaient pour le paquet de tabac faisait le tour de la glisse pour trouver un amateur pour lui disputer ce prix.
Les frères Bernard se retrouvaient encore avec les deux autres lutteurs de Saint-Ivy, de Fouesnant, de Gourin, Lorient... au pardon de Scaër." Le lundi, les luttes avaient lieu à Payaou, là où il était le champ de football. Pour ma première participation, il y avait 89 lutteurs". Des souvenirs de leur jeunesse, François et Mathurin en avait plein la tête :  "des voyages qu’il faisait pour des luttes de démonstration à Dinard, Plouescat, Nantes".   François se rappelle avoir "roulé" un lutteur d’une catégorie  de poids supérieure à Bannalec. Il y avait aussi mauvais souvenirs dont parle Mathurin. « C’était un sport parfois dangereux. Certains qui se brisaient les reins, d'autres qui avaient des déchirures musculaires. Moi j’ai vu les côtes enfoncées". À Quérou, ils ont gardé les médailles de vainqueurs, le précieux diplôme obtenu lors d’un concours et les photos commémoratives avec le Dr Cotonnec, fondateur de la FALSAB.

L'Association ARMEL (Archives et mémoires de la lutte bretonne) avait rendu visite à Soaïk Bernard à l'Ehpad en 2005. Voici le texte du discours prononcé à cette occasion
" François Bernard est né en 1909. Issu d’une famille d’agriculteurs, François, comme bon nombre de lutteurs, connaissait ce sport rural depuis son enfance et rien ne le prédisposait plus particulièrement à sa pratique. C’est à la fin de son service militaire en 1930/31 qu’il disputa ses premiers tournois officiels et en particulier la sélection pour les championnats interceltiques devant se dérouler outre manche en 1932. A cette occasion, il remporta la victoire devant l’autre Scaërois Marcel Guillou, déjà champion de Bretagne en 1930. Mais sa situation d’agriculteur et la pression paternelle l’obligèrent à rester à la maison pour rentrer la moisson et ainsi laisser la place et l’occasion d’effectuer un voyage en Angleterre. Ensuite, il se maria et cessa progressivement la pratique de la lutte ; nous pouvons quand même signaler sa participation à quelques tournois en 1933 et 1934 où il se classait souvent aux premières places malgré un manque évident d’entraînement et de pratique. Lors de nos premières rencontres, il y a maintenant 6 ans de cela, Soig me raconta ses souvenirs et notamment les rencontre d’Hennebont, de Bannalec Quimperlé et Guiscriff dirigées par le docteur Cotonnec, les premières années de la FALSAB et la première écharpe interceltique de René Scordia. Ils ne sont plus très nombreux les témoins de ces fabuleuses années, aussi, c’est avec une certaine émotion et une grande fierté que nous pouvons rendre hommage à François Bernard, doyen des lutteurs bretons au nom de notre association ARMEL et de tous les lutteurs de Bretagne".

(*)  : Rouler= gagner le combat, les deux épaules de l'adversaire touchant terre

Retour