Sur les traces du taureau de Kerbarz
Dans les années 1840, le poète Auguste Brizeux arpentait la campagne scaéroise, collectant récits et légendes hérités de la tradition orale. Il a consigné cet héritage dans « Le Bretons ». Plusieurs passages évoquent le temps où les loups hantaient encore nos campagnes ( le dernier loup fut tué en forêt de Coat-Loch il y a 100 ans).
« L'été, lorsque du ciel tombe enfin la nuit fraîche, Les bestiaux tout le jour retenus dans la crèche Vont errer librement : au pied des verts coteaux, Ils suivent pas à pas les longs détours des eaux, s'étendent sur les prés, ou, dans la vapeur brune, Hennissent bruyamment aux rayons de la lune. Alors, de sa tanière attiré par leurs voix, les yeux en feu, le loup, comme un trait, sort du bois, tue un jeune poulain, étrangle une génisse. Mais avant que sur eux l'animal ne bondisse, Souvent tout le troupeau se rassemble, et les bœufs, Les cornes en avant, se placent devant eux: le loup rôde à l'entour, ouvrant sa gueule ardente, Et, hurlant, il se jette à leur gorge perdante; Mais il voit de partout les fronts noirs se baisser Et des cornes toujours prêtes à le percer. Enfin lâchant sa proie, il fuit, lorsqu'une balle l'atteint, et les bergers, en marche triomphale, De hameaux en hameaux promènent son corps mort ».
Dans son journal en date du 14 novembre 1842, Brizeux note que " les loups ont paru dans le bourg et ont enlevé des moutons" ( source: Brizeux à Scaër)
Un piège à loup fin 19e siècle. Il manque une mâchoire |
A la manière de La Fontaine
Brizeux a également mis en vers , le combat épique qui opposa près du Pont-Lédan, un loup et un taureau. A 200 mètres en aval du pont, dans la prairie,une pierre brisée ( qui serait une ancienne croix) indiquait il y a encore quelques années le site de cette fable : « Au-dessous de Ker-Barz, dans la prairie immense, Qui, courant vers l'Isole, au grand chemin commence, Le loup entra la nuit, et, son coup achevé, Partit repu de chair et de sang abreuvé.
Cette pierre brisée indiquait selon la tradition l’emplacement de ce combat |
Un taureau (pour le frère et l'ami qu'il regrette, Quel homme ferait mieux que n'a fait cette bête?) À l'instant où le monstre à travers les palus ( marais) S'échappait et d'un bond franchissait le talus, Le taureau survenant à la fatale borne Dans le ventre du loup plongea sa double corne, Et là, durant deux jours, au-dessus du fossé, Comme au bout d'une fourche il le retint fixé ! Et les chevaux, les bœufs, les vaches, les cavales, S'attroupaient pêle-mêle, et tous, par intervalles, Du côté des maisons galopaient pesamment, Et poussaient à la fois un long mugissement.
Le village accourut : sur sa noble conquête L'immobile taureau tenait encor sa tête, Mais il s'était usé par un si rude effort, Il releva son front, et puis il tomba mort. »
La même scène vue par les carnavaliers scaërois en 1954 |