En 1983, à Kerry, Sylvain Le Cras développa une exploitation agricole originale en élevant des lombrics californiens pour produire du compost.
Responsable du groupement des éleveurs de lombrics californiens en Bretagne (GELCAB), il a été conseiller agricole en agriculture biologique avant de s'installer à Kerry. Il s'est lancé dans la culture de céréales selon la technique biologique. Il élève des abeilles et le printemps dernier, il s'est lancé dans la « vermiculture ». Voici quelques extraits du compte-rendu de cette expérience recueilli à l’époque.
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« J'ai été intéressé par cet élevage au cours d'un voyage en Italie où la production d'humus par les vers de terre est déjà ancienne. Cet humus sert surtout pour les pots de fleurs, les jardins maraîchers».
Pour élever des lombrics « Eisenia Foetida de Californie », un cousin de nos vers de terre, Sylvain installa quatre litières composées de fumier, de déchets, litières séparées du sol par un grillage pour éviter les intrusions de taupes. Les lombrics de décomposition ne sont pas les mêmes que les lombrics fouisseurs qui vivent dans le sol. Le lombric rouge de Californie semble le mieux adapté pour le travail suivant : transformer des déchets organiques en lombricompost ou « déjections de lombrics » commercialisable.
Les vers « travaillent » dans du fumier de vache, de chèvre, de lapin (le meilleur). On peut aussi utiliser du fumier de cheval, de porc, des boues venant d’épuration : « Le compost ne sera pas toujours utilisable dans ce cas par les maraîchers car il contient des métaux lourds ».
On peut encore traiter des ordures ménagères. Sylvain Le Cras avait fait un essai sur des boues provenant de la papeterie de Cascadec : il s'agissait de cellulose neutralisée à la chaux.
Pour que le lombric travaille dans de bonnes conditions il faut une certaine température (plus de 12° dans le fumier) et un milieu humide. « En été, il faut arroser ». Dans une « litière » de deux mètres carrés on compte 15.000 adultes. Digérés par l'animal, les déchets organiques se sont enrichis en éléments minéraux, en hormones en vie microbienne. Une tonne de fumier produit 600 kg d'humus. Sur deux mètres carrés, on obtient jusqu'à 700 kg en un an.
L'objectif de Sylvain Le Cras était d’atteindre le million de lombrics, ce qui aurait nécessité un approvisionnement en fumier important (consommation : 500 kg par jour). Il débuta avec du fumier des fermes voisines. Ensuite, Sylvain il pensait faire appel à la coopérative de Saint-Yvi. « Il en faudrait 108 tonnes par an. Il en résultera une production annuelle d'humus de l'ordre de 108 tonnes plus une tonne de lombric adultes ».
Un engrais, des protéines
L'humus de lombric est un engrais minéralisé à 75%, 2 à 5 fois plus riche en azote que le fumier, 5 à 7 fois plus riche en phosphore, 2 fois plus riche en potasse. Des analyses ont montré sa valeur importante en oligo-éléments, en enzymes (qui demeurent actifs en hormones). Par gramme d'humus, il y a mille sept cent milliards de micro-organismes. C'est un véritable « lit bactérien » qui active la germination des plantes, leur permet de mieux résister aux maladies aux parasites. L'humus reste résistant à la sécheresse et est non lessivable. Il facilite l'enracinement des boutures et diminue le choc des transplantations.
Le lombricompost est un produit recherché par les serristes, maraîchers. Les particuliers seront intéressés aussi sans doute pour les pots de fleurs. Le lombric est de plus, par lui-même, riche en protéines (62-64%) de son poids. « II a donc sa place dans la diététique animale. Les grandes firmes d'aliments s'intéressent aussi au problème. Le lombric peut devenir un complément dans l'alimentation animale ».
Les lombrics d'élevage sont appréciés des pêcheurs mais là, le marché devient aléatoire. « Le californien rouge est le meilleur pour la pêche en eau vive. Par contre, pour l'anguille, le lombric zébré est préférable ».
Un autre intérêt de cette activité agricole est qu'elle se contente d'un espace réduit. « On peut obtenir 100 tonnes d'humus sur 1.500 m2 de terrain ». Un journaliste hollandais du « De Kleine Aarde », journal écologiste, vint rendre visite à Sylvain, afin de vulgariser l'idée de cet élevage dans un pays où l'espace est restreint.