Au début du 20e siècle, la distribution gratuite de vastes domaines dans les provinces de l'Ouest du Canada et l'active propagande du clergé, particulièrement au moment de l'expulsion des congrégations religieuses et de la séparation de l’Église et de l’État (1902-1905) contribuèrent puissamment à développer le courant d'émigration qui allait transplanter des milliers de Bretons au Canada. Voici l'histoire de la famille Fleuter originaire de Coadry extraite de la revue "Penn Ar Bed" en 1955
Des débuts difficiles
Victor
Fleuter émigra au Canada en 1905, à l'âge de 19 ans. Il
obtint une concession gratuite de 64 ha (1/ 4 de section) et
qu'il doubla par une option payante quelques années plus tard.
Il revint volontairement en France lorsque la guerre fut déclarée en 1914.
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Il
épousa Marie-Louise Lamandé en avril 1919 avant de retourner au Canada.. Quand
il retourna à Demaine dans la province du Saskatchewan avec sa
femme, il trouva une terre à l'abandon. Mais nos Bretons se
mirent courageusement au travail et ne tardèrent pas à se
trouver à la tête de deux sections de 1.280 acres (512 ha).
Tout alla bien jusqu'au jour où Victor Fleuter se noya dans un étang pour avoir voulu sauver son aîné, un garçon de 11 ans, qui s'était imprudemment lancé sur la glace. Le père et le fils disparurent sous 18 pieds d'eau. C'était en Novembre 1931.
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La réussite
"Les chevaux ne servent plus guère maintenant. Depuis 1940, heureusement, notre situation s'est bien améliorée et nous vivons à l'aise. Notre vie ici est beaucoup plus large qu'en France et je me plais bien au Canada. Nous sommes dans une région de culture mixte (blé, élevage).
Une bonne partie de la ferme est en fourrages et pâturages ; nous élevons 45 bêtes à cornes et trois chevaux. En Saskatchewan, il y a toujours de la demande pour le bétail et certains de nos voisins possèdent des centaines de bêtes à cornes.
Le reste est en culture : céréales (blé, avoine, orge) et lin. La terre est très bonne et nous n'employons ni engrais, ni fumier ... ».C'est le règne de la culture extensive, la seule possible sur de telles étendues. Le climat est trop chaud et trop sec pour cultiver des légumes.
D'ailleurs, on n'en aurait pas la vente dans un pays uniquement rural où la densité est de un habitant au km2, et qui, d'un autre côté, n'est pas équipé pour la conserve."
Mme Fleuter habite à 1 km. de son plus proche voisin et à 3 milles du bourg. Cette partie de la Prairie, qui compte très peu de Français, est une vraie mosaïque de races. Les voisins sont des Allemands, des Anglais, des Irlandais, des Écossais, des Danois, des Scandinaves, des Finnois et des Russes. Tous sont citoyens canadiens, parlant l'anglais, et ils vivent en bonne intelligence.
Mme Fleuter, qui est âgée de 60 ans, continue à diriger sa ferme avec l'aide de deux de ses fils. Un autre fils est installé à côté sur une ferme de 360 ha.
Demaine est un hameau au cœur du Canada |
La génération canadienne
La famille Fleuter a fait souche au Canada comme en témoigne l'avis d'obsèques de Marie, l'institutrice de la photo ci-dessus, fille des émigrants scaërois M.Mme Victor Fleuter
Marie Louise (née Fleuter) Moebis est décédée le 28 août 2014 au Dinsmore Care Home, Dinsmore, Saskatchewan, à l'âge de 93 ans.
Elle est née le 15 avril 1921 à la ferme Fleuter à deux milles au sud de Demaine. Elle a fréquenté l'école Demaine, marchant pour aller et revenir de l'école tous les jours, été comme hiver. Après avoir obtenu son diplôme de 12e année, elle a fréquenté l'école normale de Saskatoon et a obtenu son certificat d'enseignement. Elle a enseigné à Paradise Hill, à l'école Neasdon dans le district de Beechy et à l'école Beechy.
Marie a épousé Paul Moebis le 11 octobre 1945. Ils ont vécu et élevé leur famille dans la ferme à la périphérie de Beechy. Marie était connue pour son hospitalité, sa générosité, ses jardins abondants, ses belles fleurs et sa gentillesse sans fin. Elle manquera beaucoup à sa famille et à ses amis.
Marie laisse dans le deuil ses filles, Joan (Joe Saville), de Consul, Saskatchewan, Dianne (Calvin Clark) d'Iqaluit, Nunavut, fils Bill (Barb) de Demaine, Saskatchewan, et Allen (Donna) de Beechy, Saskatchewan; petits-enfants Clarke (Jennifer) Moebis, Kristan Moebis (Shannon Wiens), Sean Clark (Sabrina Hoque), Stephanie Clark (Todd Galloway), Shane (Heather) Moebis, Trevor Moebis (Alison Fandrich) et Aron Moebis (Selena Stokke-Lobb), cinq arrière-petits-enfants, le frère Arthur (Connie) Fleuter, la belle-soeur Margareta Fleuter et de nombreux neveux et nièces.
Elle fut précédée dans la mort par son mari Paul, sa mère et son père, Marie Louise et Victor Joseph Fleuter, ses frères Joseph, George, Henry "Hank", Victor, sa sœur Georgette,ses beaux-frères Willie Moebis et Adolph Prinz, belles sœurs Lizzie Prinz, Kay Moebis et Helen Fleuter, l'oncle Pierre Lamande et les neveux Doug Fleuter et Baby Fleuter.
La décennie des années 1930 a été une période très difficile en Saskatchewan.
Nous avons retrouvé trace de cette famille en septembre 2022. Dianne Moebis , petite fille de Victor et Marie Louise, résidant à Iqaluit,(Nunavut), à l'extrême nord du Canada, complète cette saga : "Après la mort de mon grand-père et de mon oncle Joseph, ma grand-mère est restée à la ferme avec les six enfants restants. Ma mère, maintenant l'aînée, avait 9 ans à l'époque. Le grand-oncle Pierre, également cultivateur à Demaine, aidait la famille. La décennie des années 1930 a été une période très difficile en Saskatchewan. Mauvaises récoltes, prix bas, plusieurs années de sécheresse. Malgré cela, ma grand-mère et la famille ont pu garder la ferme. La sœur de maman est décédée en 1936 lorsque son appendice s'est rompu. Les quatre garçons sur la photo étaient tous fermiers. L'oncle Victor est resté à la ferme avec ma grand-mère. Henry (Hank) et George sont restés dans le district Demaine/Beechy tandis qu'Arthur a déménagé en Alberta pour travailler, puis plus tard dans le nord de la Colombie-Britannique, près de Fort St. John, pour y cultiver.
La maison que mon grand-père a construite, celle de la photo, a été démolie il y a environ 3 ans. C'était triste de le voir disparaître, mais la ferme avait grandi autour d'elle et une fois que mon oncle Victor s'est marié et a emménagé pour vivre à Demaine, elle était vide. La grange que mon grand-père avait construite en 1927 est toujours utilisée. Le barrage qu'il a construit, et où lui et Joseph sont morts, est également toujours utilisé".