La longue agonie de la gare



Après l’arrêt du trafic en août 1967, la SNCF s’est activée pour enlever les rails, les traverses , redoutant une campagne pour la mise à voix normale de la ligne Carhaix-Rosporden (*).  Le ballast a été rapidement envahi par les broussailles. La gare a été abandonnée, livrée aux squatters et a dépéri progressivement.

Une trop longue attente

Le syndicat d’initiative a débuté en 1985 le nettoyage de l’ancienne voie ferrée pour en faire un chemin de randonnée piétons, cyclistes et cavaliers au pas. Le Département a pris ensuite le relais pour aménager l'actuelle voie verte. En 1989, le devenir de l’ancienne gare était encore à l’ordre du jour mais  le coût de sa réhabilitation freinait les ardeurs de ceux qui espéraient la transformer en musée, en lieu d’accueil touristique, en gite. La gare était encore en relatif bon état la toiture d’ardoises était toujours présente mais les huisseries avaient été enlevées. Puis la toiture est tombée . Pour préserver un éventuel avenir le sommet des murs a été recouvert d’une couche de béton. A ce stade, la gare aurait pu être réhabilitée .


La toiture est encore présente dans les années 80


100 ans après son ouverture en 1896, voici l'état de la gare de Scaër

Les années passent ...Le 18  septembre 2001 ,la presse locale informe que «  la gare est entourée  d’une clôture en planches barrant les ouvertures du bâtiment en ruines cependant  les enfants de la nouvelle cité voisine peuvent néanmoins se faufiler à l’intérieur  du bâtiment devenue une aire de jeu appréciée mais où la sécurité n'était pas évidente ».
Faut-il démolir l’ancienne gare ou la restaurer ? La question est abordée au conseil municipal de mars 2002 : les avis sont partagés..La mairie de Scaër fait procéder à une expertise de l'ancienne gare et le rapport de la Socotec  du 14 novembre 2002 conclut à l'impossibilité de réutilisation des murs. « Il s'agit d'une ruine. La charpente est à démolir. Cette ancienne gare désaffectée depuis plusieurs décennies ne comporte plus en l'état que les murs périphériques et la charpente, sans couverture, ni menuiserie en façade. Les ouvrages intérieurs sont entièrement oxydés et menacent ruine. En sous-bassement, les pierres sont éclatées et les maçonneries sont gorgées d'humidité avec la présence de champignons ».

 Un sursis

.La commission Travaux-Urbanisme-Patrimoine du 16 décembre 2002 décida de démolir cet édifice. Ce choix s'appuyait sur l'avis de deux architectes différents et d'une Société de Contrôle qui tous ont conclu à l'impossibilité technique de restauration de ce bâtiment.   Une décision  que contestèrent quelques scaërois comme André Le Guern qui demanda une contre-expertise le 8 janvier 2003:« Une expertise se fait normalement de haut en bas. Celle-ci a été réalisée à hauteur des yeux. Elle n'a même pas relevé les travaux déjà effectués pour empêcher les infiltrations ». Le défenseur du patrimoine ferroviaire conteste non seulement les conclusions mais aussi les méthodes utilisées. « Il ne faut pas démolir ce bâtiment, même s'il tombe en ruine. Guiscriff a décidé de restaurer sa gare en bien plus mauvais état. Ça fait des années que cela dure et personne ne s'est jamais mouillé. Et pourtant, la Fondation du patrimoine ferroviaire a de l'argent pour ce genre de chantier de restauration" expliquait dans le journal " Le Poher" le cheminot attaché sentimentalement à cette ancienne ligne de chemin de fer du temps du réseau breton. Persuadé que la contre-expertise ira dans le sens de la sauvegarde de ce patrimoine, André Le Guern était déterminé à sauver cet héritage du passé. 

 Le maire de Scaër, dans un courrier en date du 16 janvier 2003, fut d'accord pour surseoir à la démolition de la gare dans l'attente des conclusions de cette contre-expertise « Nous souhaitons que notre démarche soit entreprise dans un délai raisonnable », répond-il à André Le Guern.

Les ouvertures ont été condamnées pour des raisons de sécurité. L'abri des voyageurs  sera reconstruit

La gare de Gouarec, jumelle de celle de Scaër, a pu être restaurée quand il était encore temps

La cavalcade a bon dos

Puis, le Responsable Régional du Patrimoine Breton, après visite du site,  émit également un avis favorable à sa démolition. Selon des termes du communiqué de la municipalité :  "La décision a été prise par mesure de sécurité : risques d'accidents par la fréquentation de ces ruines par des enfants et par la proximité de l'implantation d'un chapiteau sur la place de la gare lors de la prochaine Cavalcade".
 Le 26 mai, les engins du Syndicat de voirie commencèrent la démolition de l'ancienne gare de Scaër Un coup de pelle suffit à faite tomber un mur entier. Selon les ouvriers : " les murs étaient très fragiles et ne tenaient entre eux que grâce à la vieille charpente".
Les meilleures pierres de l’édifice devaient être conservées pour la restauration de l'abri des voyageurs, et les gravats furent déversés à Kérédec, sur la petite route de liaison entre la départementale de Châteauneuf et la route de Roudouallec. Comme le suggérait un employé du Sivom chargé des travaux, cette petite route sans nom pourrait devenir "l'allée de l'ancienne gare".

Quelques coups de pelle ont suffi à faire tomber les murs


Les gravats ont servi de remblai routier

 Sur le site de l’ancienne gare, il ne subsistait plus qu’un panneau signalant la présence d’un bâtiment fantôme. La base du château d’eau près du Mississippi est le dernier vestige des installations ferroviaires du réseau breton. Un entrepôt que longeait autrefois « la voie de débord » du temps des coopératives agricoles a été transformé en atelier.
Certains Scaërois, nostalgiques de l'ancien réseau ferré breton, n'adhérèrent pas à cette démolition. Les partisans auraient préféré la création d'un espace à vocation touristique, comme c'est les cas à Gouarec dont l'ancienne gare est la sœur jumelle de celle de Scaër. Maigre consolation pour eux : la commune fait reconstruire à l’identique l’abri des voyageurs

Seul vestige après la démolition : une pancarte au bord de la voie verte et un ancien entrepôt



Jusqu'au bout, les partisans de la réhabilitation ont fait valoir leurs arguments


 C’était la fin d'une époque, celle du réseau breton, qui  avait permis aux communes de l'intérieur de recevoir, par voie ferrée, matériaux et engrais et d'exporter pommes de terre  et légumes. Au début du XXe siècle, la ligne Rosporden-Carhaix avait contribué certes au désenclavement de la commune mais  son ouverture marqua aussi le début de l'exode rural vers les grandes villes, les États-Unis, le Canada...

(*) Carhaix-Guingamp fut la seule ligne du réseau breton à voie métrique, transformée à l'écartement normal ( 1, 44 m) en 1967.En 1981, le Comité d'étude et de liaison des intérêts bretons (CELIB) souhaitait encore que l'on étudie la possibilité de refaire circuler des trains entre Rosporden et carhaix pour promouvoir la vie économique du Centre-Bretagne

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