Marcelle Treis, 50 ans derrière son comptoir

Jusqu’à la fin du 20e siècle , avant le développement des supérette et supermarché, plusieurs petits commerces alimentaires «de proximité » étaient ouverts au bourg. Citons de mémoire Clairon, rue Laënnec ; L’Economie bretonne, la Coop, les Docks de l’Ouest rue Jean Jaurès, Le Berre rue le Coz.... Seul le magasin Binois a survécu.
En mars 1999, nous avions rencontré Marcelle Treïs, 76 ans : elle prenait sa retraite après un demi-siècle passé derrière le comptoir de son échoppe rue Ernest Renan.

La mère de Marcelle ( Corentine Gall) dans son commerce en 1975 ( photo R. Métairie)
A droite, la première échoppe de la famille ouverte en 1922
 

  Le paradis des enfants


Durant 50 ans, Marcelle a accompli les mêmes gestes, pesé les fruits, calculé le total sur une feuille de papier, rendu la monnaie et échangé quelques paroles anodines avec la cliente. Le commerce d'alimentation générale de la Rue Renan avait été créé par sa mère, que tous les anciens connaissaient sous le nom de Corentine Gall : « Elle avait d'abord un commerce un peu plus bas en 1922, à l’angle des rues Renan et Gauguin puis elle a ouvert ici 11 ans plus tard ». Elle vendait des bonbons, des légumes, des fruits et de l'épicerie. Les filles Mimi (Mme Floch) et Marcelle ont collaboré longtemps avec leur mère. Marcelle a pris le magasin à son nom en 1982.

Le fast-food entre la messe et les vêpres


 « On a vendu au détail des bonbons à plusieurs générations d'enfants, des malabars, des carambars, les souris au caramel, les petits chocolats Delespaul. On avait beaucoup de choix. Certaines bouchées d'autrefois, ne se trouvent plus maintenant. On était livré par les grossistes Richard, Gabon, Le Gall. Et puis il y avait des grandes loteries, avec des enveloppes, au moment de Noël. Il y avait même des grandes personnes que cela intéressait ! »


Marcelle Treis en 1999
 Rue Ernest Renan.A : l’emplacement de la première boutique de 1922. B: le magasin ouverte en 1933.


La maison Treis vendait aussi du beurre fermier, il y a 50 ans : « On nous envoyait des mottes de Toyal ou Mesnoter et on coupait en livre ou demi-livre. » Les ruraux des quartiers de St Paul ou Penvern venaient au bourg le dimanche, à pied et en sabots de bois : « Ils venaient à la messe, changeaient de chaussures, déposaient leur panier, les femmes redressaient leur coiffe dans la cuisine avant d'aller à la messe. On faisait de la soupe et du café : beaucoup de monde venait manger dans la pièce de derrière en attendant les vêpres. Chez nous, c'était aussi un lieu de rencontre, les gens racontaient leurs joies et leurs peines. On restait discuter, chose que le commerçant ne peut plus faire aujourd'hui dans un grand magasin ».
La famille Treïs transportait son commerce lors des pardons : « Nous allions aux pardons de Saint Paul, Penvern, Coadry avec notre boutique ».  Dans son magasin, le décor est resté le même qu'il y a 50 ans. Marcelle concluait :« On exige maintenant une caisse enregistreuse, une balance automatique, des comptoirs frigorifiques, je ne peux plus suivre. Personne ne reprendra la suite : comment vendre des bonbons de 10 centimes de francs avec l'Euro qui arrive? Cela va faire un vide dans le quartier et je vais regretter le contact avec les clients ».

Marcelle est décédée en septembre 2006

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