Résistance. Le défilé du 14 juillet 1944


Suite au débarquement de Normandie, les Résistants s'organisent et reçoivent des armes lors de parachutages. Outre les actions de sabotages, de harcèlement contre les troupes allemandes, ils participent à des actions symboliques. Ainsi le 14 juillet 1944, bravant l'interdit,  un groupe de maquisards défila rue Jean Jaurès, à partir de la Croix-de-Mission vers le monument aux morts.Voici deux témoignages complémentaires de deux membres du groupe Bob, Christophe Bouguennec et Jean Vigouroux, issus de documents olographes.

Vengés, vengés, vengés

Christophe Bouguennec: Le 14 juillet approchait et au camp  de Ty Goel Yann on parlait d'un autre parachutage soit le soir de la fête nationale et d'un défilé à Scaër pour remettre une gerbe au monument aux morts. À ce moment il n'y avait plus de Allemands au bourg mais il y avait toujours à Coat Loc’h. Le matin du 14 juillet on se fardait(*) à qui mieux-mieux pour faire la rentrée en ville que nous n’avions pas vu depuis quelques temps.

 Reçu à Broust par JLG, un éclaireur,  qui nous amène au bourg à travers champs par Dourgaon ,débouchant à la Croix de mission. Là nous recevons  du renfort: quelques FTP dont Le Moal. On s'est mis en colonne par un. Bob, moi ,  Jean Vigouroux, Louis Le Rest et  deux ou trois autres faisions  partie du groupe armé de fusils mitraillettes, FM (fusil mitrailleur) et grenades et pistolets On était très chargé même de trop descendant la grande rue au pas. Même un chat dans la rue. Les habitants avaient fermé les volets mais nous regardaient passer et marcher au pas. Un groupe d'hommes habillé en Tommy (soldat anglais), chacun se sentant plus ou moins émotionné. Louis Le Rest me disait :  « Je n'entends plus rien pas même le bruit de mes souliers » mais moi je les entendais parfaitement.


Pas un chat selon CH. Bouguennec, Une immense foule selon J.Vigouroux. La rue était déserte à l'arrivée des maquisards; la population a accouru au monument aux morts ensuite voyant qu'il n'y avait pas de risque majeur
Les membres du groupe Bob :assis, de gauche à droite: le sergent-chef Jean Vigouroux,le sous-lieutenant " Bob", André Guégan; le sergent-chef Christophe Bouguennec. Debout: le sergent-chef Louis Le Rest, le caporal chef Louis Tanguy, le sergent Roger Miossec et le sergent Louis Nicolas.

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Arrivée au monument aux morts Bob cria Halte. Moi ,avec un FM et Jean nous nous plantâmes derrière la borne ou l'eau coulait par la bouche du lion. Un autre FM se mit en position en sens inverse. Bob cita les noms des maquisards tombés au combat et fit un laïus d'une voix sèche et puissante en criant : « Vous serez vengés car on se battra jusqu'à la mort. » Sa voix était si forte que l'Église répéta 3 fois en écho :Vengés,vengés, vengés. Quelques hommes s'étaient approchés et se demandaient qu'est-ce que c'était ces armes qui n’étaient pas des fusils ni FM . Mais nous leur disions que c'était les fameuses mitraillettes dont ils entendaient tant parler. Au bout d'un instant Bob donna ordre de se disperser et ne rentrer au maquis que par un ou deux en même temps car tout peut arriver. Pour une fois, il était prévoyant. Nous nous dispersâmes, Jean et moi chacun son FM sur l'épaule et descendîmes la route de Toyal prenant le chemin qui mène à Coat Scaër Vian . Nous nous arrêtâmes exténués devant la maison de Henri Bernard. De suite le patron s’approcha de nous et sympathiquement nous pria de rentrer chez lui ;il  nous donna un casse-croûte et à boire. Nous voyant bien chargés, il se proposa de nous escorter avec un cheval et une charrette et dans laquelle nous montâmes tous les trois et les deux FM. Passant par Leign Véon, Trévalot et Coadry où l'on avait préparé à manger et on se régala car depuis un bon mois nous ne mettions plus les pieds sous la table. Sortis sur la route qui va sur Châteauneuf, nous rencontrons quelques FTP : quelques-uns faisant un peu de zèle nous demandant les papiers en passant. Jean et moi se faufilèrent parmi les bâtiments de ferme du village et purent de cette manière semer ces gars qu'on ne connaissait pas beaucoup donc la méfiance était de rigueur. Nous prenions un verre ou deux avec Jean-Marie le Gall et rentrâmes sans encombre au maquis 

Vive la France, Vive De Gaulle, Vive la Résistance 

 Jean Vigouroux: " Le matin du 14 Juillet, toujours à travers champs, nous sommes partis à six hommes (Bob, Vigouroux, Nicolas, Le Bris, Bouguennec et Salaun ) retrouver six autres F. T. P. dont le chef était Christophe Moal de Scaër. Le rendez-vous était fixé dans la ferme de Broust ...Nous nous sommes rendus au bourg de Scaër par la route cette fois-là. Nous étions fortement armés et nous étions protégés par des éclaireurs placés devant et derrière nous. Nous nous sommes recueillis devant le monument aux morts où Bob et Christophe Moal ont déposé une gerbe.


Les troupes d'occupation ne devaient pas être présentes  au château voisin du monument aux morts ce 14 juillet 1944

"Moi ,avec un FM, et Jean nous nous plantâmes derrière la borne
où l'eau coulait par la bouche du lion"

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Ce jour-là, les Allemands devaient être absents du château ou s'il y avait quelques-uns de surveillance à l'intérieur, ils ne se sont pas manifestés.  Nous avons descendu la grande rue de Scaër devant une immense foule qui criait : « Vive la France, Vive De Gaulle, Vive la Résistance ».

Cela a été pour moi personnellement un moment très fort de ma vie, mais je suis persuadé que seuls les gens qui l'ont vécu peuvent comprendre. Ensuite, toujours à travers champs, nous F. F. I. avons rejoint notre maquis à Ty Gouël Yann Vian après avoir musardé dans quelques fermes où nous étions chaleureusement accueillis"

(*) : sans doute, se noircir le visage ?