Une seconde vie pour les auges en granit



On se les arrache, peut-être pas à prix d'or car il faut les déplacer, mais on se les arrache quand même ces auges de pierres qui servaient d'abreuvoir dans les fermes avant l'ère du robinet.


Abreuvoirs et poubelles



L'origine de ces auges de pierres se perd dans la nuit des temps. Les plus anciens de la commune n'ont jamais connu de fabricants d'auge en pierre. Certaines ont la forme brute du rocher de granit dans lequel on les a taillées et creusées. D'autres ont les contours d'un parallélépipède bien régulier. Les plus grandes mesurent deux mètres de long pour une largeur de un mètre et une hauteur de 80 centimètres. L'excavation destinée à recevoir l'eau est profonde de 20 centimètres.

Bien sûr, l'auge de la ferme était en rapport avec l'importance de la ferme et du cheptel. Le plus souvent, le fermier puisait de l'eau avec un treuil et plus tard une pompe à main pour la déverser dans l'auge en pierre. Cette opération se faisait deux fois par jour, quand les bêtes sortaient de l'étable et quand elles y revenaient. L'été, parfois, on ramenait les bêtes à la ferme pour les faire boire dans l'auge. A la longue, au fil des décennies et peut-être des siècles, les contours se sont arrondis et le granit est aussi lisse qu'une pierre tombale. Dans la société paysanne d'autrefois, rien ne se perdait : les eaux grasses, les eaux de vaisselle (sans produit récurant à l'époque) étaient mises à fermenter dans une auge, souvent scellée dans le mur. On y ajoutait les déchets de la cuisine, des jeunes pousses de fougères « radenn ne ». L'ensemble était destiné à l'alimentation des porcs



L'auge placée autrefois rue Jean Jaurès au pied de l'église




Elle est mise à l'honneur près du monument aux morts

 

Pour piler de l'ajonc



Dans certaines fermes, il y avait encore une auge qui était destinée à la préparation de l'ajonc pilé. Il est vrai que la lande était plus répandue qu'aujourd'hui et que pour beaucoup de petites fermes, c'était un complément pour alimenter les vaches.

Dans cette auge, le paysan pilait de l'ajonc avec le « hôrzh », un maillet dont l'extrémité était cerclée pour éviter qu'elle n'éclate à force de frapper le fond de l'auge. A cet ajonc pilé, on ajoutait du houx, du lierre et au printemps du seigle.

Depuis la pose des abreuvoirs automatiques dans les étables, l'arrivée des tonnes à eau et des bacs en métal puis en plastique les auges de pierre ont été abandonnées. Parfois, elles servent d'ornementation dans un jardin paysager : des primevères, jonquilles en occupent le fond. Le transport de ces auges pesant la tonne ne se fait pas sans mal : il fallait autrefois quatre chevaux pour les déplacer, ce que l'on faisait une fois à la rigueur dans une vie de paysan. Avec les tracteurs ce n'est pas plus facile, car les angles accrochent le sol.



A Penker Navellou, un puits et son auge  comme à l'origine

Près de Rosbic, les tailleurs de pierre ont abandonné cette auge qui s'était brisée au cours de la fabrication







Des menhirs artificiels



D'autres monolithes servent encore à la décoration des jardins : les anciens poteaux de hangar. Ces pierres hautes de deux mètres, sont plus récentes. On en taillait encore après la grande guerre dans le quartier de Treuscoat. Ces poteaux en pierre supportaient une toiture de chaume ou genêts. Avec le temps, la grange s'est écroulée et les poteaux dispersés : pour boucher les trous du chemin, servir de banc ou encore de menhirs artificiels.


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